“Decision to Leave” de Park Chan-wook. © DR
Festival de Cannes : le phénomène des K-movies
Nouvelle vague du continent asiatique, les K-movies ou cinéma coréen reviennent au festival de Cannes pour sa 75ème édition. Absent en 2021, quatre films tournés en Corée du Sud sont présentés dans le cadre du Festival, et deux concourent en compétition.
Le cinéma sud-coréen a su imposer son style au fil des années aussi bien sur les plateformes de diffusion que sur grand écran. On se souvient de l’excellent Parasite de Bong Joon-Ho palme d’or en 2019, immense succès critique et au box-office à travers le monde. Premier film en langue étrangère à gagner l’Oscar du meilleur film en 2020 et du meilleur film international avec celui du meilleur scénario original et du meilleur réalisateur pour Bong Joon-Ho. Si l’on constate depuis ces vingt dernières années, une émergence de la culture coréenne, avec l’industrie cinématographique et la musique, c’est avant tout par la volonté de son ancien président Kim Young-Sam.
La vague coréenne ou Hallyu
Bong Joon-ho (au centre) et les acteurs de son film Parasite lors de la soirée des Screen Actors Guild Awards, le 19 janvier, à Los Angeles © JORDAN STRAUSS
La Corée du Sud exporte de plus en plus ses talents, que ce soit dans la K-pop avec les BTS, le rappeur Psy, les séries comme Squid Game ou encore dans l’industrie du film avec Parasite. Une vague coréenne du divertissement culturel appelé aussi Hallyu. C’est Kim Young-Sam, le président sud-coréen de l’époque, qui dans les années 1990, à la lecture d’un rapport, constate que les revenus liés à l’exportation du film Jurassic Park de Steven Spielberg, ont représenté l’équivalent de l’exportation de pas moins de 1,5 millions de voitures Hyundai. Le gouvernement prend alors conscience que sa culture peut aussi être un moteur de croissance pour l’économie du pays. Il se met en quête de nouveaux talents, subventionne des projets. Mais la décision politique majeure du gouvernement fut de lever au début des années 1990, l’interdiction des voyages à l’étranger pour les Coréens. Ce qui a permis à une élite coréenne de découvrir le monde occidental, plus particulièrement l’Europe et les États-Unis. Ce soutien massif de l’état pour développer les industries culturelles a porté ses fruits, puisque plusieurs cinéastes aujourd’hui reconnus ont pu déployer toute leur créativité à travers des k-movies, ou les k-dramas.
Nouvelle vague, nouveau genre
Old Boy de Park Chan-wook © Wild Side Films
On a du mal à définir le cinéma coréen. Certains le diront violent, mais il est aussi iconoclaste, et son style indéfinissable. Quand en 2002 au Festival de Cannes, le réalisateur Im Kwon-taek remporte le prix du meilleur réalisateur avec Ivre de femmes et de peinture, il en est déjà à son 99ème film. Mais c’est deux ans plus tard avec Old Boy, Grand Prix du jury au festival de cannes en 2004, que Chan-wook Park propulse le cinéma coréen à l’international. Le remake de 2013 du réalisateur Spike Lee ne connaîtra pas le même engouement, et sera un échec au box-office. Les comédiens coréens accèdent aussi à la notoriété. En effet l’actrice Jeon Do-yeon remporte le prix de la meilleure actrice pour Secret Sunshine en 2007. A noter que l’acteur Song Kang-ho fait lui aussi partie de la distribution, on le retrouvera plus tard dans le rôle du père dans Parasite de Bong Joon-Ho.
Cannes devient au fil du temps un terre d’accueil pour ce cinéma d’un nouveau genre et ça paie, puisqu’en 2009, Thirst, ceci est mon sang remporte lui aussi le Prix du jury. Auréolé de son Grand Prix du Festival de Cannes 2004, Chan-wook Park remporte le Prix en 2009 avec encore Song Kang-ho de Parasite. L’année suivante en 2010 c’est au tour de Lee Chang-dong de remporter le Prix du scénario au Festival de Cannes avec Poetry. Park Chan-wook, s’est donc bonifié au cours des années surtout depuis sa Trilogie de la vengeance (Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance). Il fera une place aux héroïnes féminines avec Mademoiselle en 2016 adapté du roman Du bout des doigts (Fingersmith) de Sarah Waters, et Décision to Leave en 2022 où l’atmosphère à la Hitchcock rappelle celui de Vertigo.
Un cinéma qui dénonce aussi la société coréenne
Kim Ki-duk, en 2011 au Festival de Cannes © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Avec Broker du Japonais Hirokazu Kore-eda, mais tournée en langue sud-coréenne et avec encore une fois Song Kang-ho, l’acteur Parasite, le k-movie est encore à l’honneur cette année au Festival de Cannes. La Corée exporte donc sa culture aidée de ses stars. Mais cela n’a pas toujours été le cas. A l’exemple du cinéaste Kim Ki-duk, enfant terrible et controversé du cinéma sud-coréen décédé le 11 décembre 2020 à l’âge de 59 ans, il avait été distingué dans les festivals de Berlin, Cannes et Venise. Très critiqué dans son pays pour la violence de ses films, et son regard acerbe sur la société sud-coréenne, le réalisateur est décédé du Covid 19 en Lettonie où il s’était installé. Lion d’or à Venise en 2012, pour son film Pieta, il avait été accusé d’avoir abusé d’actrices lors du tournage de Moebius en 2013, ce qui avait entaché sa carrière. Il avait porté plainte en retour contre une association coréenne de défense des droits des femmes pour l’avoir stigmatisé. On lui doit des films comme L’Ile, en 2000, Printemps, été, automne, hiver… et printemps, en 2003. Samaria, remporte l’Ours d’argent au Festival international du film de Berlin en 2004, et Pieta le Lion d’or en 2012. Human, Space, Time and Human sorti en 2018 ne connaîtra pas le succès des précédents.
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