Quand les hôtels passent enfin au test de Bechdel.
Parler de voyage au féminin sans tomber dans la tarte à la crème du « girl power » sponsorisé n’est pas une mince affaire. Mais lundi 6 mars, au Pullman Paris Tour Eiffel, un vent sérieux d’émancipation soufflait sur l’hôtellerie internationale. Le SHe Travel Club, premier label indépendant à penser l’hébergement avec et pour les femmes, remettait ses premiers « Best Hotels for Women Awards ». Un genre de César du confort, version empowerment, à l’adresse d’un secteur longtemps piloté par des mecs en costume trois-pièces, oubliant que 64% des clients sont… des clientes.
Chambres à soi
À l’origine de ce label pas comme les autres : Valérie Hoffenberg. Vision claire, talons fermes, elle observe le gouffre entre l’hôtellerie de papa (rasoirs, mousse à raser, minibar whisky-cigares) et les besoins très concrets des voyageuses solo : serrure sécurisée, étage éclairé, room-service sans drague, et salle de bain qui ne fait pas l’impasse sur les protections périodiques. Loin des logiques de marketing genré rose-bonbon, le SHe Travel Club établit un cahier des charges carré, basé sur quatre piliers : sécurité, confort, services et restauration. Bref, tout ce qu’un hôtel lambda semble encore considérer comme des « options ».
Check-list sororité
Caméras, accès sécurisé, employées visibles dans les espaces clés, mais aussi vestiaires séparés, cours d’autodéfense, ou simples kits de beauté pensés pour les voyageuses : ces détails qui n’en sont pas deviennent la norme chez les hôtels labellisés SHe. Le label se rêve aussi en accélérateur d’égalité : en créant une passerelle entre femmes clientes et salariées, dans un secteur où elles représentent 54% des effectifs mais rarement la direction.
Et ça plaît. En 18 mois, plus de 300 hôtels, du petit boutique-hôtel à l’ogre Accor, ont signé. Présents dans 36 pays, les établissements certifiés par SHe Travel Club montrent que, quand on écoute vraiment les femmes, l’offre suit. Ziad Minkara, patron de CDS Groupe, y voit un « atout stratégique », les travel managers y lisent une évidence, et l’écosystème du tourisme commence à revoir ses priorités.
Awards et baston douce
Pour fêter ce pas de côté salutaire, quoi de mieux qu’une remise de prix ? Le SHe Travel Club a profité de la journée internationale des droits des femmes pour décerner ses lauriers. Dans la catégorie 3 étoiles, le Columbus Monte Carlo repart avec les honneurs. Le 4 étoiles Novotel Dubai Al Barsha rafle le prix de l’efficacité, pendant que le très parisien Fauchon L’Hôtel remporte la palme luxe. Mention spéciale au Kimpton St Honoré pour sa meilleure « initiative femme », comme quoi, même les palaces savent se réinventer.
La ministre Olivia Grégoire salue l’initiative : « Vive le voyage au féminin et les hôtels qui savent traiter les femmes avec le respect qu’elles méritent ». Elle aurait pu ajouter : il était temps.
Ulysse, décale-toi, Pénélope prend le large
Ce n’est pas qu’un label. C’est une réponse concrète à une réalité têtue : voyager seule quand on est une femme, c’est encore, trop souvent, un sport de combat. Le SHe Travel Club remet un peu de justice dans les couloirs des hôtels, et surtout, donne aux femmes la possibilité de voyager sans peur. À terme, l’objectif est clair : 1 000 hôtels labellisés et de nouvelles verticales pour doper l’hospitalité du XXIe siècle.
En attendant, à toutes les globe-trotteuses, backpackeuses, VRP, cheffes en transit ou rêveuses solitaires : l’aventure, oui. Mais avec une clé à carte et une porte bien fermée.
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