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Le court-métrage “La petite fille aux allumettes” réalisé par Roger Allers en 2005 © Disney

Andersen : quels messages véhiculent les contes pour enfants ?

Le 04 août 1875 décédait Hans Christian Andersen. La Petite Fille aux allumettes, La Petite Sirène, ou encore La Reine des Neiges, font partis de ses contes les plus célèbres adaptés au cinéma. Mais quels messages véhiculent-ils, et pourquoi est-il important de les raconter aux enfants ?

Tous les enfants sont fascinés par les contes de fées. Leurs interprétations symboliques ainsi que leur relation avec l’inconscient ont fait l’objet de nombreuses études à commencer par Freud qui fut le premier à découvrir la nature symbolique des contes de fées, notamment dans son Interprétation des rêves, où il se réfère aux contes de fées pour justifier l’analyse des rêves. Mais c’est Bruno Bettelheim, avec Psychanalyse des contes de fées devenu un classique, et à sa longue expérience clinique en tant qu’éducateur et thérapeute auprès des enfants et leurs parents, élabore les interprétations des contes.

Les contes questionnent nos angoisses et nos fantasmes

L’adaptation live-action du film d’animation “La Petite Sirène” en salle en mai 2023 © Disney

Hans Christian Andersen a travers ses contes va offrir à la littérature des figures à la fois lumineuses et sombres de l’enfance, tout en se servant de sa propre existence. Né à Odense (Danemark) le 2 avril 1805dans une minuscule maison, son père modeste cordonnier, s’engage en 1812 dans la Grande Armée de Napoléon, mais décédera quatre années plus tard. Dans ce foyer misérable, composée d’une mère illettrée et d’un grand-père fou, c’est principalement sur sa grand-mère que va reposer son éducation. Devenu adulte, ses voyages vont lui inspirer des romans et des récits pittoresques, mais c’est avec la publication d’un premier recueil de contes pour enfants en 1835 à trente ans, qu’Hans-Christian Andersen acquiert enfin la célébrité. Les contes d’Andersen publiés en 1895, aux éditions Leipzig sont principalement tirés de son imagination et de ses souvenirs de jeunesse, où se mêlent le merveilleux et le réel. Des histoires souvent douloureuses, rarement heureuses comme dans La Reine des Neiges, contrairement aux frères Grimm, publiés dans les années 1812-1822. Le psychologue américain Bruno Bettelheim suggère que les contes aident l’enfant à découvrir le sens profond de la vie tout en le divertissant et en éveillant sa curiosité, mais stimulent aussi son imagination, et l’aident à voir clair dans ses émotions et à prendre conscience de ses difficultés tout en lui proposant des solutions possibles aux problèmes qui le troublent. Andersen qui se trouvait laid, hypersensible et sans conquêtes amoureuses, s’est ainsi dépeint sous les traits du « vilain petit canard », l’un de ses plus beaux contes. Il en va de même dans La petite fille aux allumettes, où l’auteur retranscrit le manque d’affection et le sentiment d’insécurité de son enfance. Mais c’est avec La Petite Sirène que le célèbre auteur danois dont la statue inspirée du même conte et principale attraction touristique de Copenhague, va transposer son principal fantasme. Pour celles et ceux qui ne l’aurait pas lue, La petite Sirène vit sous la mer, et un soir sauve un Prince d’un naufrage. Eperdument amoureuse, cette dernière demande à la sorcière marine d’échanger sa queue de poisson pour deux jambes espérant ainsi vivre avec son prince. Chaque pas allait lui couter des souffrances atroces, qui ne la décourage pas pour autant, bien au contraire. Malheureusement le Prince, lui préférera une autre, qui était sa promise. Désespérée, la petite sirène se jettera dans la mer, mais contrairement à ce que lui avait prédit la sorcière, au lieu de mourir partira rejoindre les filles de l’air, ses bonnes actions lui ayant finalement permis de gagner une âme immortelle. Une histoire qui ressemble à ce que vit la plupart des femmes sous emprise. Comme dans le conte, pour avoir une chance de conquérir le Prince, certaines femmes sacrifient tout et acceptent de souffrir le martyr. Dans ce conte l’estime de soi est absent, seul le sacrifice demeure. Quand ses sœurs lui suggèrent de tuer le prince afin de retrouver son état d’origine, La Petite sirène, refuse préférant être transformée en écume. A l’inverse des autres contes de fées comme chez les frères Grimm ou Perrault, c’est l’héroïne la sirène, qui choisit l’homme auquel elle se destine et non l’inverse, et pourtant c’est elle qui échoue. Un conte à l’image de la société et du patriarcat tels que les conçoit son auteur.

Des contes pour tous

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Selon les spécialistes de l’enfance, ceux-ci se fient aux contes de fées plus qu’à tout discours rationnel car ils s’adressent à eux sous une forme qui leur est familière : la forme magique. Les contes de fées en plus d’illustrer de façon ludique les terreurs enfantines, vont l’aider à affronter solitude et angoisses en se confrontant au monde extérieur, et à prendre conscience des responsabilités, voire leurs différences. Dans Recueil de contes revisités en version LGBT Virgin. M. Française originaire de Bretagne, réadapte à la sauce woke l’histoire de Pinocchio, Cendrillon, La Petite fille aux allumettes, Boucle d’or ou encore celle du Petit Poucet. Dans Pinocchio, un certain Victor décide d’opter pour une mère porteuse, une solution avec don de sperme qui lui paraît plus adéquate et moins radicale. Mais la procédure entamée celui-ci découvre qu’il est stérile ! Pinocchio apprendra finalement à ses dépens, que le mensonge peut avoir de graves conséquences. En Hongrie en revanche, l’accueil fut moins enthousiaste pour un livre de contes inclusifs qui a déclenché les foudres de l’extrême droite, Le pays des contes pour tous qui s’est vendu comme des petits pains pendant les fêtes en 2021, grâce à une association lesbienne. Cendrillon transformée en garçon rom homosexuel, Blanche-Neige en garçon manqué, des héros transgenres ou handicapés, le livre pour enfants « Des contes pour tous » (Meseorszag mindenkie, non traduit) paru en 2020 a provoqué l’ire des partis extrémistes, et servi de prétexte pour faire voter une loi LGBTphobe entrée en vigueur en juillet 2021. La loi interdit dorénavant de montrer aux moins de 18 ans, des livres ou des films qui font la promotion de l’homosexualité ou du changement de sexe. Dora Duro, députée et vice-présidente du parti d’extrême droite Mouvement Notre Patrie (MHM, Mi Hazank Mozgalom), a passé le livre à la broyeuse devant les caméras, lors d’une conférence de presse en clamant : « Mon parti ne tolère pas que les enfants soient exposés à la propagande homosexuelle, en introduisant des modes de vie anormaux dans des livres d’histoires mensongers, car il n’y a jamais eu de princes homosexuels dans la culture hongroise ». A noter que ce parti extrémiste s’est déjà fait connaître par le passé pour avoir brûlé en place publique des drapeaux LGBT aux couleurs de l’arc-en-ciel.

Moralité : la vie est parfois plus cruelle que dans les contes de fées, et les enfants en grandissant, finissent par le comprendre à leur dépend.

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