Babylon de Damien Chazelle, en salle le 18 janvier. De gauche à droite : Li Jun Li, Diego Calva,  Margot Robbie,  Brad Pitt, Jovan Adepo,  et Jean Smart © Paramount Pictures

Babylon de Damien Chazelle : quand Hollywood était à l’apogée de la décadence

Véritable ode à l’âge d’or d’Hollywood, Babylon de Damien Chazelle, retrace l’ascension et la chute de personnages avant le passage du cinéma muet au parlant. Une ère de décadence et de dépravation sans limites, emmenée par Brad Pitt, Margot Robbie et Diego Calva.

Sexe, drogues et esprit rock’n’roll

En salle le 18 janvier, Babylon est le nouveau long métrage du réalisateur Damien Chazelle après Whiplash et La La Land. Mélange d’Il était une fois à… Hollywood de Tarantino, et Gatsby le Magnifique de Baz Luhrmann, le titre n’est pas choisi au hasard. L’expression était en effet utilisée pour décrire Hollywood dans les années 1920, un lieu de débauche, où la ville était en proie à la décadence et à la dépravation. Mais le film évoque davantage Sodome et Gomorrhe dès les premières scènes, avant qu’une pluie de soufre et de feu, ne s’abatte sur les protagonistes. Après les six Oscars pour La La Land en 2017 et trois pour Whiplash en 2015, il va sans dire que cet hommage au cinéma figure en bonne place pour récolter plusieurs récompenses.

Nellie LaRoy (Margot Robbie) réussit à s’incruster à la fête, et se laisse porter par les invités © Paramount Pictures

Aucune scène n’illustre mieux la décadence que le scénariste réalisateur Damien Chazelle a voulu dépeindre dans Babylon, que cette première séquence hallucinante : une fête ou plutôt une orgie, organisée dans le manoir du producteur hollywoodien Don Wallach interprété par Jeff Garlin. « Très tôt, j’ai senti que nous devions tenter de commencer le film avec une séquence de fête géante, qui serait la meilleure de toutes« , explique Damien Chazelle. Tout y est. Drogue, scène de sexe dont une en particulier, qui saisit le spectateur, où l’on découvre une femme urinant sur un homme allongé au sol. S’en suit une suite frénétique de corps en mouvement, de fétiches pervers et de débauche généralisée qui ne lâche plus le spectateur jusqu’au lever du soleil, le lendemain matin. Mais ce qui fait la trame de Babylon, c’est qu’il est décrit du point de vue Manny Torres (Diego Calva), un rêveur qui essaie de trouver sa voie dans le cinéma et qui évolue dans cette fête sauvage, regard écarquillé et bouche bée à la fois fasciné par les plateaux de cinéma « L’endroit le plus magique du monde », que par le comportement hors norme de tous les protagonistes. « Nous avons décidé de décrire ces premiers jours d’Hollywood comme un cirque punk« , explique à son tour Matthew Plouffe producteur de Babylon. « Hollywood créait des films à succès pour le marché de masse, mais il était toujours marginal et rempli de bêtes de foire. Nous voulions capturer le sexe, les drogues et l’esprit rock’n’roll de cette époque d’une manière qui n’avait encore jamais été correctement mise en scène auparavant » poursuit le producteur. Dans la poussière du L.A. des années 20, on suit le parcours de Nellie LaRoy (Margot Robbie) qui réussit son ascension dans cet univers déjantée quand elle réussit à s’incruster à la fête. Celui de Jack Conrad (Brad Pitt) vedette du cinéma muet, Lady Fay Zhu (Li Jun Li), présentée comme « l’émeraude de l’Est et l’ornement de l’Orient » et enfin James McKay (Tobey Maguire), pour la petite histoire, producteur exécutif de Babylon, sinistre personnage, qui a tout d’un psychopathe.

Hollywood et le blackface

La musique de Babylon au coeur de cet univers déjanté. Jovan Adepo, dans le rôle du trompettiste virtuose Sidney Palmer © Paramount Pictures

Babylon c’est aussi le rythme capturé par la caméra de Chazelle emmené par la musique de Jazz interprété par Jovan Adepo, qui joue le rôle du trompettiste virtuose Sidney Palmer. Et c’est encore une fois Justin Hurwitz compositeur doublement oscarisé pour La La Land, qui avait déjà collaboré avec Chazelle sur Whiplash qui est chargé de cette bande originale. Une scène révélatrice elle aussi de l’époque, est l’utilisation du blackface imposée au musicien. Une pratique commencée au milieu du XIXe siècle, lorsque des interprètes blancs assombrissaient leur peau et exagéraient leurs lèvres au cours de spectacles. Hollywood c’est malheureusement une industrie qui s’est construite sur la pensée suprémaciste blanche. Nous sommes dans les années 1920 bien avant que Hattie McDaniel ne soit désignée meilleure actrice dans un second rôle le 29 février 1940 pour sa prestation dans Autant en Emporte le Vent. La pratique du blackface s’est par la suite étendue aux acteurs noirs qui utilisaient le maquillage pour cacher leur race réelle au public. Les acteurs noirs qui montraient leurs visages, étaient cantonnés à des rôles stéréotypés en utilisant un dialecte noir exagéré qui était à bien des égards un « blackface vocal » comme ce fut le cas dans Autant en emporte le vent. Un seul comédien noir refusera tout au long de sa carrière ces rôles de Noirs caricaturaux, c’est Sydney Poitier, qui vingt-quatre ans après Hattie McDaniel, sera sacré meilleur acteur. Pour justifier le personnage Sidney Palmer , dans Babylon, Damien Chazelle apporte un éclaircissement à la fois historique et militant : « il y a eu une courte fenêtre de tir pour les interprètes noirs à l’apparition du film sonore. Entre 1929 et 1931 environ, il existe un tas de films, aussi bien des courts que des longs métrages musicaux, avec des personnalités comme Duke Ellington, Louis Armstrong, Ethel Waters, Bessie Smith. Ils jouent à la fois des rôles d’acteurs à l’écran et interprètent leur musique. Vous avez également des musiciens de Los Angeles comme Curtis Mosby, Les Hite, Sonny Clay et d’autres qui apparaissent dans des films avec leurs groupes. Tout cela a été une source d’inspiration pour Sidney« , explique Damien Chazelle. « Je voulais que Sidney fasse l’expérience de ce passage du statut de musicien en marge de l’industrie cinématographique à celui de la star hollywoodienne, et même s’il hésite au début, il finit par réussir, et nous suivons ce parcours avec lui. »

Babylon a n’en pas douter sera en bonne place dans la course aux Oscars. Hollywood adore les films qui lui rendent hommage, et on se souvient de la pluie de récompenses obtenus par The Artist de Michel Hazanavicius. Margot Robbie et Viola Davis pour The Woman King sont les deux actrices qui pour nous font figures de favorites. Verdict le12 mars 2023.

Sortie le 18 janvier. Réalisation : Damien Chazelle. Produit par : Marc Platt, p.g.a., Matthew Plouffe, p.g.a., Olivia Hamilton, p.g.a. Avec : Brad Pitt, Margot Robbie, Diego Calva, Jean Smart, Jovan Adepo, Li Jun Li, P.J. Byrne, Lukas Haas, Olivia Hamilton, Tobey Maguire, Max Minghella, Rory Scovel, Katherine Waterston, Flea, Jeff Garlin, Eric Roberts, Ethan Suplee, Samara Weaving, Olivia Wilde. Durée : 3h09

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