Affiche Cash-Cache

 Cash-Cache © RTI

Côte d’Ivoire : Cash-Cache, la série de la RTI qui fait un carton et révèle le talent ivoirien

Depuis le 05 décembre 2021, les téléspectateurs de la RTI 1 ont découvert sur leurs écrans, cette série, réalisée par Anthony Koréki, un thriller qui mélange action, suspense et drame psychologique. Tout le pays s’est pris au jeu de cette partie de Cash-Cache aux rebondissements inattendus.

C’est le grand rendez-vous du dimanche soir en Côte-d’Ivoire. Diffusé en prime time à 20h50, Cash-Cache, véritable carton d’audience est le plus gros succès de la RTI. Ce thriller haletant de 12 épisodes de 26 minutes, avec Nicolas Mouen et Kané Mahoula est réalisé par Anthony Koréki, sur une idée originale de Soumahoro Kalif, et coproduit par Wokomwe. C’est à Kwaï production (Baron noir) de la compagnie Fremantle qu’a été confiée l’écriture du scénario. Le dernier épisode est diffusé dimanche 09 janvier 2022, et une saison 2 est plébiscitée par les téléspectateurs.

Braquage à l’Ivoirienne

Cash-Cache © RTI

Action dopée à l’adrénaline, personnages parfaitement campés, duels psychologiques sur le fil du rasoir, retournements imprévus de situation, fausses pistes et vrais imbroglios sur fond de drame familial, et rythmée par une bande originale signée Éric Siar, tout y est. Cash-Cache, c’est l’histoire du braquage de la Banque Municipale de Côte d’Ivoire (BMCI), qui est transformée en prise d’otages par Lino (Kané Mahoula) chef des gangsters et cerveau du braquage, pour assouvir une vengeance personnelle. Les fictions de braquage obéissent à certaines normes, prenant la forme pour la plupart d’une lutte contre le temps. Ici, l’idée est que le braquage doit durer le plus longtemps possible, pour une partie de cache-cache à qui perd gagne, un quitte ou double où c’est finalement le téléspectateur qui est pris à son propre jeu. 

L’action se déroule à Abidjan la capitale. Aucune revendication politique à priori. La banque est investie par un commando de quatre braqueurs plus un informaticien. Barricadés de l’intérieur, ses dispositifs de sécurité neutralisés, les clients et employés rassemblés violemment et répartis dans diverses pièces. Jusqu’ici tout va bien, sauf qu’à l’évidence, les malfaiteurs sont organisés, et suivent un plan longuement mûri. Pourquoi cette prise d’otages ? Pourquoi cette banque ? La mise en scène distille des détails suggérant que les agresseurs ne sont ni de vulgaires voleurs et à priori ni des terroristes sanguinaires.

Bad Boys sur grand échiquier

A l’extérieur, se trouve l’inspecteur de police Willy (Nicolas Mouen), obligé de négocier avec les malfrats, et aux commandes des opérations. Les deux adversaires, fins stratèges, vont alors entamer une bataille, et révéler les secrets de leur passé commun et de leur amitié. Les deux protagonistes se cherchent, s’épient, se confondent aussi. Comme au jeu d’échecs, les pions sont poussés, contrés et certains sacrifiés. Mais, ils devront faire face à leurs cas de conscience, à des trahisons dans leurs propres camps et à la vérité sur leur ancienne vie. De véritables et de graves conséquences pour eux et pour ceux qu’ils aiment. Des héros triomphants, mais des fantômes armés à la poursuite d’eux-mêmes. Campés derrière les codes et les figures imposées du polar, se joue une tragédie humaine portée par des personnages à la figure intense naviguant entre ombre et lumière où on devine une relation entre la mort et la vie, mais aussi à la vie à la mort.

Les enchaînements entre les séquences alternées montrant les braqueurs narguant la patrouille de police et le braquage des gangsters, ne cesseront de renforcer cette impression. On n’est pas loin du Heat de Michael Mann ou Al Pacino, et Robert De Niro se reniflent et s’affrontent, sans renoncer à leur intention. On devine aussi des failles émotionnelles profondes, avec l’absence de la figure paternelle chez l’inspecteur interprété par Nicolas Mouen, qui dissimule ses blessures en multipliant les conquêtes féminines. Les masques tombent parfois grâce aux femmes, essentielles, bien qu’au second plan. Pourtant c’est grâce à une femme que ce projet a pu voir le jour.

Ana Ballo celle par qui tout arrive

Ana Ballo © RTI et Jean-Claude Brany © Lionel Jocelin Zoni 

Présentée en avant-première, le mardi 30 novembre 2021 à Abidjan, en présence des responsables de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) et de leurs partenaires, Cash-Cache espère aussi un Cash back. “Ça n’a pas été facile, mais le résultat est là, nous sommes fiers du travail abattu par toute l’équipe, et nous donnons rendez-vous aux téléspectateurs pour vivre le meilleur du cinéma sur nos antennes”, a lancé Ana Ballo, directrice de RTI Distribution. Productrice déléguée de la série, Ana Ballo n’est pas une novice. Réalisatrice elle-même, elle s’est fait connaître avec On est où là ? une série télévisée humoristique produite par Moussa Diomandé depuis 2008 dépeignant des scènes cocasses de la vie à Abidjan et Marchand de Rêves co-produite par A+ et Canal Plus Afrique.

La RTI s’était engagée depuis 2015, dans la recherche de nouveaux talents de scénaristes, pour le développement de ses productions cinématographiques. Suite à un concours, des jeunes qui se sont illustrés par la pertinence de leurs idées, ont été sélectionnés et encadrés, et c’est Mohamed Khalif Soumahoro 19 ans à l’époque qui remporte le concours. « Véritable bouillon policier, alliant suspense et rebondissements, cette série qui répond aux standards internationaux contient tous les ingrédients pour pouvoir s’exporter » a rajouté Yvan Guéhi en charge du Business Développement au sein de RTI Distribution.

Aujourd’hui Anthony Koréki réalisateur de la série, espère apporter du neuf dans l’univers cinématographique ivoirien. Ana Ballo qui a remercié la direction générale du groupe pour avoir décidé de les accompagner dans cette aventure, a fait appel à un autre talent, Jean-Claude Barny, réalisateur de Le Gang des Antillais et de Neg Maron, à qui elle a confié la partie artistique et technique. La réalisatrice l’avait repéré après Le Gang, une autre histoire de braquage, sur fond de Bumidom. Engagé comme showrunner, Ana Ballo compte sur lui pour promouvoir les ventes à l’étranger. À la croisée de l’économique et de l’artistique, il est le garant de l’unité et de la cohérence de la série. Véritable maniaque, et soucieux du moindre détail, son œil bionique va de la Putain de porte (son premier court-métrage) qui claque, à La mouche qui passe dans le champ. Le réalisateur antillais qui a depuis pris ses quartiers dans la capitale ivoirienne, était présent de la première ligne du scénario du pilote, au montage du dernier épisode de la saison 1.

Pour Jean-Claude Barny, « la Côte d’Ivoire est en train de vivre avec Cash-Cache la même effervescence qu’elle avait connue avec l’arrivée du Zouk amené par le groupe Kassav’ sur le Continent ». Une nouvelle génération de comédiens avec laquelle il faudra compter dans les années à venir est en train d’émerger. Outre Kané Mahoula, dans le rôle du Cerveau l’on retrouve des noms bien connus du cinéma made in Côte d’Ivoire comme Michel Bohiri, Beugré Djep, Roger Pegard et Arthur Longville. Mais la série est surtout centrée sur le personnage de Willy (Nicolas Mouen) qui campe le rôle d’un flic célibataire amateur de femmes, taciturne, cachant de multiples failures.

Flic ou voyou ?

Nicola Mouen © Lionel Jocelin Zoni 

Nicolas Mouen n’est pas inconnu du public ivoirien. Les téléspectateurs l’avaient déjà remarqué dans une saga familiale Assinie sur la vie des milliardaires du pays dans la célèbre station balnéaire du même nom. Avec Kané Mahoula, il tient ici le rôle principal de ce flic qui a Les nerfs à vif. On le sait à force de fréquenter des voyous certains finissent par déteindre sur des policiers qui parfois passent l’âme et malheureusement l’arme à gauche. Le cinéma est pléthore de ce genre de héros comme le magnifique Training Day de Antoine Fuqua, et certains réalisateurs vont jusqu’à glorifier les braqueurs comme Nolan avec The dark night, Michaël R. Roskam Le fidèle, et Ben Affleck The Town. Mais c’est Spike Lee avec Inside Man qui se rapproche le plus du scénario, et bien sûr La Casa de papel. Même tente installée à l’extérieur devant la banque sous laquelle les négociations et disputent font péter les plombs à l’inspecteur interprété par Nicolas Mouen.

Formé au cours Florent, le comédien est conscient que tout bon acteur doit affûter son instrument. Quand on lui demande de quel acteur célèbre ou non il s’est inspiré pour interpréter son rôle de flic, sa réponse est sans équivoque : « je voulais une figure inspirante, un personnage que j’aurais aimé voir à l’écran quand j’étais petit ». Pourtant il y a une ressemblance entre le personnage de Willy et celui de Luther, qui a popularisé Idris Elba. Le comédien qui a la triple culture, antillaise, camerounaise et française, déplore que la plupart des héros noirs que l’on voit à l’écran, viennent des Etats-Unis ou sont des adaptations de séries anglo-saxonnes, comme Luther qui a popularisé Idris Elba. Son métissage il en fait une force : « l’humanité n’a pas besoin de murs, mais de ponts. Donc je suis le pont dont l’humanité a besoin » dit-il souriant en citant Thomas Sankara. Il ajoute : Il ajoute : « mon désir est d’être dans la continuité entre ces ponts. Nous avons eu le commerce triangulaire, maintenant c’est l’art triangulaire ».

Au festival d’Avignon off, il redonne vie aux textes de grands auteurs africains et caribéens tels que Léopold Sedar Senghor, Aimé Césaire, Fanon, Edouard Glissant, Patrice Lumumba entre autres, dans la magnifique pièce Encre Noire d’Éric Checco. Son interprétation magistrale fut saluée dans Flic tout simplement, d’Yves Rénier, où il campait le sombre rôle du premier tueur en série référencé en France, un téléfilm qui fut un carton avec 6 000 000 de téléspectateurs en France. Nicolas Mouen est vraisemblablement un acteur à suivre de très près.

Il va sans dire que les plateformes vont avoir les yeux braqués sur Cash-Cache. Le dynamisme de la série a été exceptionnel, une formidable opportunité de donner une vitrine très importante de la culture ivoirienne. Le pays est en train de devenir attractive pour les studios, et la série Cash-Cache en est le parfait exemple. L’équipe technique a fait sensation, parmi lesquels le prometteur Yann Jr. Kieffoloh et les comédiens comme Prudence Maidou dans le rôle de Pat, Ghigi Kay dans celui d’Héléna, Stéphane Aly Franck Picardy et Lago Woroka vont faire aussi parler d’eux. Côté accessoire, il faut saluer également le travail de L.E Creations qui a mis sa signature sur les masques en bogolan des braqueurs. La bande à Lino avait aussi une influence locale.

Le comédien Fortuné Akapo que nous avons joint, par téléphone, nous confie enthousiaste et plein de fierté depuis Abidjan : « je redécouvre mon pays, avec des décors. Cette série est une vraie alchimie, une fusion. Cash-Cache ne nous cache plus elle nous a révélés ».

Views: 132