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Yves Coppens chez lui à Paris en décembre 2016, tenant une reproduction du buste de Lucy ©

Le paléontologue Yves Coppens codécouvreur de Lucy, est mort

Yves Coppens, codécouvreur de Lucy, l’australopithèque la plus célèbre du monde, est mort mercredi 22 juin à l’âge de 87 ans, a annoncé son éditrice Odile Jacob. Le scientifique est mort des suites d’une longue maladie, a précisé la maison d’édition à l’Agence France-Presse.

Le célèbre paléontologue français est parti rejoindre les étoiles tout comme Lucy, le fossile de l’espèce éteinte Australopithecus afarensis qu’il avait découvert en 1974 en Ethiopie, daté de 3,18 millions d’années. Lucy devait son célèbre prénom à la chanson des Beatles Lucy in the sky with Diamonds, enfouie dans nos mémoires, même Toumaï, un préhumain de 7 millions d’années découvert quarante ans plus tard sur le même site, ne réussira pas à lui voler la vedette. Lucy et son découvreur restent les stars de la paléontologie.

Le visage de la paléontologie française

Yves Coppens présente le crâne de l’australopithèque Lucy © KIPA

Avant sa célèbre découverte, Yves Coppens né à Vannes (Morbihan) le 9 août 1934, entre au CNRS en 1956 pour travailler sur la paléontologie des vertébrés. Le premier hommage qui lui est rendu est celui de son éditrice Odile Jacob qui a édité un grand nombre de ses ouvrages et qui fait part du vide et la perte de ce grand scientifique : sur Twitter « Yves Coppens nous a quittés ce matin. (…) Yves Coppens était un très grand savant, paléontologue de renommée mondiale, membre d’innombrables institutions étrangères, mais surtout professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences ». Et d’ajouter : « Sa bienveillance, sa gentillesse, son humour, sa fidélité, son érudition n’avaient d’égal que son talent d’écrivain, de conteur, d’essayiste ».  C’est à partir de 1960, qu’il part sur le terrain pour mener des recherches sur le site de Menalla, dans le désert du Djourab, au Tchad. Il y découvre en 1961 son premier hominidé, d’1 million d’années.  Grâce à cette découverte extraordinaire, d’Yves Coppens accède au monde des médias. En 1963, le prix de la Fondation de la vocation, décerné par Marcel Bleustein-Blanchet, lui ouvre les portes de Publicis, qui l’accueille dans ses murs pour la présentation de ses travaux à la presse. Quelques années plus tard, en 1969, il est appelé à la sous-direction du Musée de l’homme.

En 1974 il se rend dans la vallée de l’Omo, en Ethiopie, haut lieu des découvertes d’hominidés et de faunes anciennes. A la demande de l’empereur d’Ethiopie Haïlé Sélassié, le paléoanthropologue britannique Louis Leakey organise une expédition internationale à laquelle participe Yves Coppens. Nouvelle découverte de Australopithecus aethiopicus (2,5 millions d’années). Le 30 novembre 1974 à Hadar c’est LA découverte du siècle, un fossile complet à 40% d’Australopithecus afarensis dans le cadre de l’International Afar Research Expedition qu’il codirigeait avec le paléoanthropologue américain Donald Johanson et le géologue français Maurice Taieb. Au moment de la découverte, les paléoanthropologues écoutent à la radio les Beatles chanter Lucy in the Sky with Diamonds, et puisqu’il faut un nom à cette célébrité, ils décident de l’appeler Lucy.

A star is born

Le 10 juillet 2004, Yves Coppens pose à côté d’une reproduction de Lucy, à Carnac © DR

Les cinquante-deux os de Lucy (un squelette humain en comporte 206) permettront de reconstituer son poids, son âge et de découvrir que les préhumains marchaient et grimpaient aux arbres. Lucy avait donc 25 ans, mesurait 1,10 mètres et pesait 25 kilos grammes environ. Elle avait selon les scientifiques, une petite tête et un cerveau contenu à l’arrière du crâne. Elle était bipède, c’est-à-dire qu’elle marchait comme nous sur ses deux jambes qui étaient très courtes mais lui permettaient de se tenir presque droite. La renommée de Lucy doit autant à l’importance intrinsèque de la découverte qu’au sens aigu de la communication de ses inventeurs. En quelques semaines, le nom fait le tour de la planète et Lucy devient tout à coup la star de la préhistoire. Mais il fallait aussi lui trouver un sens et sa place dans le scénario de l’évolution humaine. Lucy a parfois été considérée comme l’ancêtre de l’homme moderne, avant que la recherche sur les origines de l’humanité ne remette en question cette présentation. C’est sur le site où Yves Coppens avait découvert Tchadanthropus uxoris en 1961, que Michel Brunet (université de Poitiers, CNRS) découvrira, quarante ans plus tard, le crâne de Toumaï, un préhumain de 7 millions d’années. Yves Coppens admettra non sans humour que Lucy n’est pas la doyenne de l’humanité : “Lucy a trois millions deux cents mille ans et le premier homme a trois millions d’années, expliquait-il. Je m’excuse auprès de Lucy mais je ne crois pas qu’elle soit notre grand-mère !”

Hommo Sapiens vivait au Maroc

Jean-Jacques Hublin et Abdelouahed BenNcer, les deux directeurs des fouilles de Jebel Irhoud © Patrick Imbert/Collège de France 

Et comme la science évolue et nous surprend à chaque fois, une autre découverte au Maroc en 2017, est venue remettre en question les théories de l’évolution, celle des restes d’un représentant d’Homo sapiens dans l’ancienne mine saccagée de Djebel Irhoud, à l’ouest de Marrakech. Le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin et son équipe ont libéré les plus anciens ossements connus de notre espèce, plus vieux de 100.000 ans que Lucy et Toumaï. « La découverte marocaine repose la question de l’enracinement initial d’Homo sapiens », explique le directeur de l’équipe de recherche. Dans un article publié en 2018 par la revue « Trends in Ecology & Evolution », un groupe de scientifiques spécialistes de l’évolution humaine, de génétique et des climats du passé, affirme de son côté, qu’au cours des 300.000 dernières années, c’est une dynamique complexe de connexions, de séparations et de métissages entre les différentes lignées et cultures de nos ancêtres qui aurait engendré, à la manière d’un puzzle, la diversité de notre espèce.

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