Lyon, Périgord, Rhône… jusqu’aux côtes du Costa Rica ou des Philippines : elles sont là, ces femmes que rien ne freine, ni la ville minérale, ni la ruralité profonde, ni les mers trop lourdes à défendre. Le 10 avril dernier, la Fondation Yves Rocher a célébré la 24ᵉ édition de son Prix Terre de Femmes. Une cérémonie modeste en apparence, mais grande par ses résonances dans l’ombre des grands titres, ce sont elles, les actrices d’un monde en recomposition.
Créé en 2001 par Jacques Rocher et son père, le Prix Fondation Yves Rocher-Terre de Femmes, récompense et soutient des femmes extraordinaires pour leur combat en faveur de l’environnement et de la solidarité. Depuis, ce programme a récompensé plus de 500 lauréates dans le monde à travers plus de 50 pays. Chaque année, cinq prix sont attribués, à hauteur de 50 000 euros au total. Voici les lauréates 2025. Des portraits puissants : elles viennent d’horizons variés, leurs actions retrouvent partout la même volonté d’inventer un monde vivant. La cérémonie est moins un spectacle qu’un appel à l’action, à la rencontre, à l’espérance. Rapporteuses tente de donner corps et relief à ces femmes ordinaires et extraordinaires, qui plantent des graines d’avenir, partout où le béton, la mer, la ruralité ou l’humain en crise avaient laissé un vide.
À Lyon, Victorine et la faune citadine redevenue visible
Victorine De Lachaise n’a pas choisi la ville pour sa tranquillité. C’était d’abord un autre projet, une carrière en costume. Mais un jour, elle croise une fouine en plein centre, un mammifère, là où elle ne l’attendait pas. Une étincelle. Elle fonde Des Espèces Parmi’Lyon, et avec sa curiosité débridée, elle transforme le béton en refuge : plus de 2 000 espèces recensées dans… le 1ᵉʳ arrondissement. Papillons, blaireaux, végétaux insoupçonnés : la ville renaît, arrose son sol de poésie et offre aux citadins le vertige d’un autre monde en partage.
Dans le Rhône, Floriane avance entre lupins et lynx
Floriane Tanneur, c’est la fillette fascinée par les grands prédateurs, devenue chercheuse pour eux, et pour la coexistence. Dix ans en entreprise, puis AssoCohab : une chasse à l’animal discret, armée de pièges photographiques, d’ADN, de chiens flairant excréments et traces dans les bois. Le premier loup du Rhône filmé en un siècle ; en 2023, la présence prolongée d’un lynx. Un travail entre science et lutte politique, pour donner du poids aux éleveurs, et offrir au loup la place qu’il mérite.
Océane, en Périgord, sème des graines… et des liens
Et si l’agriculture devenait un acte poétique ? Océane Delaère en est convaincue. Animatrice, paysagiste, responsable d’une pépinière participative, elle invente des potagers éducatifs, au sein de HAPPY CULTORS, pour reconnecter les habitants au vivant. Sa ferme pédagogique, née d’une idée d’enfants, prend racine dans une ferme offerte par des maraîchers bio. Compost, verger syntropique, éco-pâturage… avec, toujours, une dimension collective et festive. Enfant, elle rêvait d’être Présidente de la République. Aujourd’hui, elle fait bouger le monde.
Aux Philippines, Marta plante des mangroves… et des dignités
À Hilongos, Marta A. Villafañe fait pousser des arbres, palétuviers qui protègent des tsunamis, séquestrent le carbone et recousent la terre. Mais elle ne plante pas que des mangroves : elle offre une place, aux personnes en situation de handicap, pour qu’elles soient actrices. Quand certains ne croient pas en ses capacités, elle répond par l’action, la résilience, le soin partagé. Autodidacte ancrée dans la pauvreté rurale, elle écrit une histoire de solidarité.
Au Costa Rica, Ilena veille sur les requins-marteaux et leur nurserie marine
Pour Ilena Zanella, la fascination est née d’une plongée, face à des centaines de requins-marteaux. Un choc de la beauté et de la fragilité. Avec son association Misión Tiburón, elle restaure les mangroves du Golfo Dulce, nursery essentielle aux jeunes requins avant leur migration, et mobilise les communautés pour les protéger. 40 hectares restaurés en 2024. Un cri d’amour silencieux, pour des espèces qu’on oublie trop souvent : “On protège les lions, les éléphants…, mais les requins aussi ont besoin de nous.”
Une cérémonie discrète, mais aux résonances fortes
Depuis 2001, Jacques Rocher et son héritage familial ont fait du Prix Terre de Femmes un phare pour l’environnement et l’égalité, près de 500 héroïnes couronnées dans plus de 50 pays. Cette année encore, la cérémonie donne à voir des engagements modestes, dans les villes, dans les campagnes, sur les littoraux, mais immenses dans leur portée écologique et sociale. Des récits de courage, de patience, de rencontres. Des gestes qui réveillent la planète.
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