Donald Trump veut limoger Lisa Cook gouverneure de la Réserve fédérale. © J Kamel

Donald veut la peau de Lisa

Lise-Marie Ranner-Luxin
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Lise-Marie Ranner-Luxin
Directrice de la rédaction
Fondatrice du site, Lise-Marie aime la culture et sa ville Paris. Elle a travaillé dans la presse magazine féminine et informatique ainsi que dans la mode....
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Donald Trump n’aime pas qu’on lui tienne tête. Sauf si vous vous appelez Vladimir Poutine. Mais quand il s’agit d’une femme, là c’est trop. Lisa Cook, gouverneure de la Réserve fédérale et première Afro-Américaine à occuper ce fauteuil stratégique, vient de traîner le président des États-Unis devant les juges. Motif : sa révocation express, annoncée par courrier comme on virerait une standardiste.

Le couperet est tombée. Trump l’a écrit noir sur blanc : « limogée avec effet immédiat ». Motif avancé par ses conseillers : des « irrégularités » dans des prêts immobiliers remontant à 2021. Le président américain accuse Lisa Cook de fraude sur un emprunt souscrit avant sa prise de fonctions. Un prétexte, répond Cook, qui dénonce « une allégation sans preuves » et surtout une manœuvre politique pour briser l’indépendance de la banque centrale. Le 28 août, elle a saisi un tribunal de Washington pour bloquer son éviction express, annoncée deux jours plus tôt par courrier officiel frappé du sceau de la Maison Blanche. Dans sa requête, l’économiste demande une « injonction immédiate » et alerte sur « un précédent dangereux » : jamais un président n’a osé révoquer un gouverneur de la Fed.

« la tentative inédite et illégale du président Trump de révoquer la gouverneure Cook qui, si elle aboutissait, constituerait un précédent dans l’histoire du conseil » des gouverneurs, peut-on lire. « Le président a exercé l’autorité conférée par la loi » en cas de « motif valable », a rétorqué des son côté la Maison Blanche.

Mais le camp présidentiel ne lâche pas l’affaire pour autant. Bill Pulte, patron de l’agence fédérale de financement du logement et proche de Trump, a dégainé lui aussi jeudi 28 août une deuxième plainte pénale contre Cook. Sur X, il a claironné : « Trois délits et vous êtes hors-jeu », reprenant la loi américaine des three strikes qui peut envoyer un récidiviste en prison à vie.

Ce n’est pas la première fois que Trump cogne sur l’institution monétaire. Déjà en guerre ouverte contre Jerome Powell, l’actuel patron qu’il avait lui-même nommé avant de le traiter de « stupide » et de « trop tard », l’ancien magnat de l’immobilier rêve d’une Fed taillée à sa mesure : des taux d’intérêt au plancher et des gouverneurs dociles, prêts à doper artificiellement l’économie pour flatter son bilan politique.

Lisa Cook, prof d’éco passée par Oxford, Berkeley et Michigan State, militante des droits civiques dans sa jeunesse, ne compte pas jouer les figurantes. Derrière elle, Janet Yellen, ex-présidente de la Fed de 2014 à 2018, puis secrétaire au Trésor de Biden, met en garde : transformer la banque centrale en « marionnette » du pouvoir exécutif, c’est dynamiter un des derniers bastions institutionnels des États-Unis.

Car derrière les faux-semblants, tout est clair : Trump veut ses pions à la Fed. Des gouverneurs à sa boote, prêts à baisser les taux d’intérêt au sifflet, maquiller la croissance, et gonfler son bilan présidentiel. Hier, sa cibles s’appelait Jerome Powell, ou « Jerome Trop-Tard », aujourd’hui, c’est Lisa Cook, accusée à la hâte d’avoir menti pour obtenir un crédit immobilier. Un prétexte qui ne tient pas la route, selon elle.

La chercheuse économiste chevronnée au CV long comme le bras, a la peau dure. Cette dernière a déjà survécu aux discriminations raciales, au sexisme académique et aux insultes sur les plateaux télé. Pas question pour elle de se laisser écraser par un président macho qui rêve d’une Fed aux ordres. En 2014, enseignante à l’université du Michigan, elle avait déjà défrayé la chronique avec un article sur le lynchage des Afro-Américains au début du siècle, et leur impact sur leurs activités économiques. Comprenez : même pas peur !

Au fond, cette passe d’armes, dépasse largement les taux d’intérêt. Ce n’est pas qu’une querelle d’ego entre un président macho et une gouverneure récalcitrante. Encore moins un duel entre un pouvoir exécutif en roue libre et une femme qui refuse d’être effacée du paysage. C’est un bras de fer sur la séparation des pouvoirs. Sur l’idée même qu’une démocratie peut survivre quand ses contre-pouvoirs sont méthodiquement démontés à coups de tweets et de limogeages éclairs. Et ce combat, Lisa Cook, héritière d’une tradition militante qui croise l’ombre de Martin Luther King, a décidé de le mener devant les juges.

Si elle perd, ce ne sera pas seulement son siège qui vacille, mais un contre-pouvoir essentiel de la démocratie américaine.

Sources : AFP X

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Fondatrice du site, Lise-Marie aime la culture et sa ville Paris. Elle a travaillé dans la presse magazine féminine et informatique ainsi que dans la mode. Grande fan du New Yorker, Vogue et Harper’s Bazaar, c’est de ces prestigieuses revues qu’elle s’est inspirée pour créer Rapporteuses.com, des revues avant-gardistes qui ont contribué à l’émancipation des femmes, en matière de mode, de société, d’art et de littérature.
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