C’est un électrochoc, une onde qui file vers les autres festivals, puis vers les Oscars où il représentera la Tunisie. Mercredi, sur le Lido, la 82e Mostra a basculé dans l’histoire avec The Voice of Hind Rajab, le nouveau film de la Tunisienne Kaouther Ben Hania. Avant même la première image, la salle vibrait déjà des mots de la comédienne palestinienne Saja Kilani : « Assez. Pas un jour, pas demain, maintenant. » Un cri lancé pour Gaza, pour une enfant de six ans, tuée le 29 janvier 2024 dans une voiture bombardée. Son dernier appel, enregistré au téléphone avec le Croissant-Rouge palestinien, est devenu un symbole.
C’est le film dont tout le monde parle sur le Lido. The Voice of Hind Rajab, signé par la Franco-Tunisienne Kaouther Ben Hania, est entré ce mercredi 3 septembre dans la compétition officielle de la Mostra et déjà, il écrase les débats. Pas un film « sur Gaza », mais un film depuis Gaza, centré sur la voix d’une enfant de cinq ans, Hind Rajab, tuée dans une voiture criblée de balles en janvier 2024. Une voix enregistrée au téléphone avec le Croissant-Rouge palestinien, une supplique de plusieurs heures, devenue mondiale.
La conférence de presse, visible sur YouTube, s’est transformée en tribune. Les acteurs portaient tous un pins rouge frappé du mot « Enough ». Kilani a parlé de génocide, de déshumanisation, de l’urgence d’écouter cette voix enfantine qu’aucun adulte n’a su protéger. Dans la salle, silence de plomb. Puis Kaouther Ben Hania a repris : « La voix d’Hind, c’est celle de Gaza. Personne ne pouvait entrer. »
La réalisatrice raconte avoir entendu ces bandes presque par hasard : « J’ai pleuré, j’ai écrit. » Puis elle a rencontré la mère, parlé aux secouristes, construit un film où le centre de contrôle du Croissant-Rouge devient huis clos et caisse de résonance. Peu d’images spectaculaires, mais une tension à couper au couteau.
La mère de Hind, jointe à Gaza, n’a pas de mots assez durs : « Le monde entier nous a laissés mourir, avoir faim, avoir peur. C’est une immense trahison. J’espère que ce film sauvera les autres enfants. »
Le choc annoncé par Alberto Barbera, directeur artistique du festival, s’est confirmé. Et il est politique. Le film arrive dans une Mostra déjà secouée par une manifestation de plusieurs milliers de personnes appelant à condamner les actions israéliennes à Gaza.
Venise, depuis une semaine, est traversée par la guerre. Manifs, appels au boycott de certains films soutenus par des stars pro-Tsahal, prises de parole de Clooney ou Lanthimos : le festival regarde Gaza en face. Samedi 30 août, des milliers de personnes ont manifesté dans la cité des Doges pour appeler à la fin de l’intervention militaire israélienne à Gaza.
Sur le tapis rouge, Joaquin Phoenix et Rooney Mara ont affiché leur soutien, pins rouges en forme de main et de cœur noir épinglés à leurs vestes.
Escorté par Brad Pitt, Alfonso Cuarón et Jonathan Glazer producteurs exécutifs d’un projet qu’ils disent « vital », le film a trouvé un soutien de poids en Joaquin Phoenix. Venu avec Rooney Mara, pins au revers et noir de circonstance, l’acteur de Joker a foulé le tapis rouge aux côtés de l’équipe. Un geste politique, clair, frontal.
Au-delà de la lagune, The Voice of Hind Rajab trace déjà sa route : Toronto, Londres, Saint-Sébastien, Busan… et, si les murmures se confirment, une sélection aux Oscars. En compétition pour le Lion d’or, il a déjà dépassé le cinéma.
Hind Rajab, cinq ans, assassinée le 29 janvier 2024, devient ainsi l’ombre portée de la 82e Mostra. Et son histoire pèse plus lourd que tous les Lions d’or.
