Sandrine Sophie fondatrice de Kalia Nature, marque engagée, qui propose des produits inspirés du savoir-faire de la pharmacopée antillaise. © Kalia Nature

Kalia Nature, l’offensive capillaire de Sandrine Sophie

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Rédaction Rapporteuses
Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux...
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Partie d’une recette de grand-mère pour soigner sa fille née prématurée, Sandrine Sophie a transformé ses potions maison en une marque capillaire devenue référence : Kalia Nature. Dix ans plus tard, ses soins inspirés de la pharmacopée caribéenne s’imposent dans plus de 250 points de vente, de l’Hexagone aux Antilles. Entre business et héritage, elle assume son rôle de CEO engagée, sans rien céder aux codes lisses des géants de la cosmétique.

Avec Kalia Nature, Sandrine Sophie prouve qu’on peut conjuguer sincérité, efficacité et croissance sans se laisser avaler par les multinationales. Sa stratégie : qualité, inclusion et authenticité comme armes de conquête. Cette maman qui a aussi été confrontée à la maladie, en affrontant le cancer, a su transformer son héritage en moteur entrepreneurial : offrir des soins naturels, inclusifs et accessibles, pour libérer les boucles des diktats capillaires.

Interview

Rapporteuses : Vous racontez que tout est parti de la naissance prématurée de votre fille. C’est donc une histoire intime avant d’être une histoire de business. À quel moment avez-vous senti que ce “remède maison” pouvait devenir une marque ?

Sandrine Sophie : Effectivement, au départ il n’était pas question de créer une marque. Tout a commencé comme une démarche très personnelle, liée à la santé de ma fille née prématurément. Avec sa fragilité et ses problèmes de santé, il était essentiel pour moi de lui offrir des soins naturels, sains et adaptés à ses cheveux. Les recettes de mamie Bernadette étaient donc avant tout un geste d’amour et de protection, pas un projet entrepreneurial. Le véritable déclic est venu bien plus tard, près de six ans après, lors d’un voyage à New York. J’y ai vécu une expérience marquante : des femmes afro-américaines n’hésitaient pas à m’interpeller dans la rue, parfois même à toucher mes cheveux pour savoir ce que j’avais utilisé. C’est à ce moment-là que j’ai compris que ce que j’avais développé pour ma fille avait une portée beaucoup plus large.

Rapporteuses : En 2014, aux États-Unis, des inconnus vous arrêtent dans la rue pour vos cheveux. C’est presque un pitch de film. Comment passe-t-on du compliment d’un passant à la création d’une boîte ?

S. S. : En 2014 ces compliments n’étaient pas anodins c’était la période Nappy (Natural Happy) mouvement qui promeut le cheveu texturé naturel (sans lissage, ni défrissage) : ils ont été un vrai déclic. J’ai compris que ce que j’avais créé pour ma fille pouvait parler à beaucoup d’autres. Mon mari et co-fondateur, Christian, a joué un rôle clé : il m’a encouragée à transformer cette expérience personnelle en une aventure entrepreunariale. C’est ainsi qu’est née l’idée de Kalia Nature.

Rapporteuses : Votre marque s’inspire de la pharmacopée caribéenne. Mais dans un marché saturé par les promesses “green” et “naturel”, comment faire la différence sans tomber dans le folklore marketing ?

S. S. : Pour moi, la différence tient dans la sincérité et la profondeur de la démarche. Je n’ai pas choisi la pharmacopée caribéenne comme un argument marketing : c’est mon héritage, ma culture, ce que ma famille m’a transmis. Chaque plante que nous utilisons, comme l’hibiscus ou la sapote, a une histoire et une efficacité prouvée, ancrée dans des usages traditionnels. Dans un marché où le “green” est parfois réduit à un slogan, Kalia Nature se distingue par l’authenticité : nous développons des formules réellement actives, validées scientifiquement, et adaptées aux besoins spécifiques des cheveux texturés. Il ne s’agit pas de folklore, mais d’un pont entre tradition et innovation, entre savoirs ancestraux et exigences modernes de qualité et de sécurité.

Rapporteuses : Vous parlez beaucoup de transmission et d’acceptation de soi. Mais soyons clairs : votre business, c’est quand même de vendre des soins capillaires. Comment éviter la récupération de la “self-love attitude” à des fins commerciales ?

S. S. : C’est vrai, mon métier c’est de vendre des soins capillaires. Je ne vais pas faire semblant du contraire. Mais ce n’est pas “juste” du business : derrière chaque produit, il y a une histoire, une intention. Quand je parle de transmission ou d’acceptation de soi, ce n’est pas un concept marketing que j’ai collé sur mes bouteilles, c’est ce que je vis et ce que j’ai envie de partager. Je sais d’où je viens, je sais pourquoi j’ai créé Kalia Nature : pour accompagner ma fille et, par la suite, toutes celles et ceux qui ne trouvaient pas de solutions adaptées à leurs cheveux. Alors oui, on vend des produits, mais ce que je transmets, c’est une vision : celle que prendre soin de soi, de son identité et de ses cheveux n’a rien de honteux ni de secondaire. Pour moi, ce n’est pas de la récupération, c’est du vécu.

Rapporteuses : Vos produits sont distribués dans plus de 250 points de vente. C’est énorme pour une marque née dans une cuisine. Quel a été le vrai déclic business qui vous a permis de passer à l’échelle industrielle ?

S. S. : Je suis moi-même étonnée de cette ascension. Quand je repense à mes débuts, jamais je n’aurais imaginé voir un jour nos produits présents dans plus de 250 points de vente. Mais je crois sincèrement que le vrai déclic business, c’est la qualité. À l’heure de la révolution des cheveux texturés, les clients ne se laissent pas convaincre par des discours, mais par l’efficacité réelle des produits. Il fallait de l’excellence, et je savais que c’était précisément ce qui manquait sur le marché. Kalia Nature a grandi parce que nous avons su apporter cette exigence de qualité, et c’est ce qui nous a permis de passer naturellement à l’échelle industrielle.

Rapporteuses : Vous insistez sur l’accessibilité des prix. Or, la cosmétique “naturelle” est souvent synonyme de luxe. Comment tenez-vous cette promesse sans rogner sur la qualité ni plomber vos marges ?

S. S. : Je ne suis pas certaine que le “naturel” doive être synonyme de luxe. Pour moi, c’est avant tout une urgence, une question de santé. Je crois profondément qu’on peut allier santé, cosmétique et accessibilité, sans compromis sur la qualité. Kalia Nature se positionne comme une marque premium accessible. Nos produits sont exigeants, formulés avec des ingrédients actifs et efficaces, mais proposés à des prix justes. C’est justement ce qui fait notre attractivité : montrer qu’on peut prendre soin de soi, de ses cheveux et de sa santé, sans que cela devienne un privilège réservé à quelques-uns.

Rapporteuses : Vous parlez d’inclusion. Concrètement, à qui s’adresse Kalia Nature : aux femmes afrodescendantes d’abord, ou à tout le monde ?

S. S. : 6 personnes sur 10 dans le monde ont un cheveu texturé. Donc oui, Kalia Nature s’adresse à toutes celles et ceux qui ont des cheveux ondulés, bouclés, frisés ou crépus. Chaque type de cheveu texturé a ses besoins spécifiques, et c’est exactement ce que nous proposons : des routines adaptées et efficaces. Nous sommes experts du cheveu texturé, mais aussi consommateurs. Nous savons ce qui manque, ce qui est nécessaire et ce qui fonctionne vraiment pour magnifier nos cheveux. C’est cette connaissance intime et technique qui nous permet de répondre à tous, sans exclure personne.

Rapporteuses : Sur le plan industriel, vous évoquez le conditionnement 100 % recyclable. Mais la beauté reste un secteur très gourmand en plastique. Jusqu’où êtes-vous prête à aller dans l’éco-conception, même si ça coûte cher ?

S. S. : Soyons lucides : l’éco-conception a un coût réel pour une marque comme la nôtre, mais continuer à produire du plastique à outrance coûtera bien plus cher à long terme, pour la planète comme pour notre santé.

Rapporteuses : Vous êtes à la fois une mère, une entrepreneure et une militante du cheveu naturel. Dans vos journées, qui prend le dessus : la CEO, la pédagogue ou la maman martiniquaise qui teste encore ses recettes ?

S. S. : J’aime dire qu’au fil de la journée, c’est tour à tour une de mes facettes qui s’impose. Il y a la CEO, concentrée sur les décisions stratégiques ; la pédagogue, animée par le plaisir de transmettre et de partager ; et puis la maman, profondément attachée à ses racines, qui continue d’explorer la pharmacopée caribéenne pour imaginer les futures pépites de Kalia Nature. Cet équilibre entre mes rôles, c’est ce qui nourrit mon énergie et donne à la marque toute son authenticité.

Rapporteuses : En dix ans, les “natural hair” sont passés d’un mouvement presque militant à une tendance mainstream. Comment garder l’âme d’une marque engagée sans être avalée par le rouleau compresseur des multinationales ?

S. S. : En dix ans, le mouvement “natural hair” est devenu mainstream, mais pour moi l’essentiel reste de ne jamais perdre notre authenticité. Kalia Nature est née d’un vécu, d’un besoin réel, pas d’un effet de mode. En tant que précurseurs, nous avons à cœur de continuer le combat : défendre la santé, la valorisation des cheveux texturés et l’inclusion, sans compromis. C’est cette sincérité et cette constance qui font notre force face aux multinationales. Nous ne cherchons pas à copier leur modèle, nous affirmons le nôtre.

Rapporteuses : Si demain L’Oréal ou Unilever frappe à votre porte avec un chèque, vous signez ou vous continuez seule l’aventure ?

S. S. : Nous venons d’annoncer la prise de participation minoritaire de Mélanine Group dans Kalia Nature. Ce choix est stratégique : il nous permet d’accélérer notre croissance tout en restant fidèles à notre ADN. C’est, à mes yeux, bien plus pertinent que de céder à un grand groupe où nous risquerions de perdre notre identité. Avec Mélanine Group (Générik Paris, Patrice Mulaton BB Hair etc…), le principe est clair : nous gardons nos valeurs et notre singularité, tout en bénéficiant d’une force commune pour aller plus loin, plus vite, sans nous renier.

Rapporteuses : Enfin, si vous deviez donner un seul conseil business à une jeune femme qui rêve de lancer sa marque depuis sa cuisine ?

S. S. : Il faut oser. Oser commencer petit, oser croire en son idée et oser se lancer même si tout n’est pas parfait. On apprend en avançant, en se trompant parfois, mais c’est comme ça qu’on construit une marque solide. Le plus important, c’est d’être sincère dans sa démarche et de ne jamais perdre de vue pourquoi on a commencé.

Merci.

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Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux coulisses des affaires, de la culture aux nouvelles tendances, elles parcourent la ville et le monde pour capter les histoires, les personnages et les mouvements qui font l’actualité. Toujours sur le terrain, elles mêlent rigueur journalistique et sens du récit, pour offrir aux lecteurs des portraits, enquêtes et chroniques à la fois informatifs et captivants.
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