Le procès du cyberharcèlement visant Brigitte Macron s’est achevé ce mardi 28 octobre à Paris. Le verdict sera rendu le 5 janvier 2026. © Joseph Cohen-Jonathan

Brigitte Macron face aux hyènes du Web

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Le procès s’est ouvert lundi 27 octobre 2025 : dix personnes sont jugées devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir ciblé Brigitte Macron dans une campagne de cyber-harcèlement mêlant rumeurs sexistes et transphobes. Mardi 28 octobre, le procureur a requis des peines de trois à douze mois de prison avec sursis, et des amendes allant jusqu’à 8 000 €, à l’encontre des prévenus. En attendant le verdict qui sera rendu le 5 janvier 2026, l’analyse de ce procès, en plus d’explorer la douleur d’un harcèlement en ligne systémique, révèle avant tout l’effet miroir d’un couple public qui dérange.

Le président Emmanuel Macron et Brigitte Macron occupent une place à contre-temps. Leur histoire, un écart d’âge, un rôle inversé par rapport aux stéréotypes, une femme d’une certaine maturité à la fois épouse d’un chef d’État et actrice visible, bouscule les récits traditionnels.

Le couple qui dérange

Paris, tribunal correctionnel. Ce lundi 27 octobre 2025, dix personnes comparaissent pour avoir harcelé en ligne Brigitte Macron. Dix avatars d’une haine bien réelle, accusés d’avoir transformé une rumeur grotesque en arme politique : celle selon laquelle la Première dame serait… un homme. L’affaire aurait pu rester confinée aux bas-fonds du web complotiste, là où se mélangent antivax, climatosceptiques et chasseurs d’illuminati. Mais non : la rumeur a grimpé les marches de la République, s’est incrustée dans le débat public, a franchi les frontières. Et voilà que Brigitte Macron, prof de lettres devenue Première dame, doit, en 2025, prouver « scientifiquement » à la justice américaine qu’elle est une femme cisgenre. On croit rêver. Ou cauchemarder.

Le couple Macron, qu’on l’aime ou non, est un espace de mise en tension : entre tradition et modernité, entre visibilité et critique, il dérange. Il dérange parce qu’il montre ce que certains refusent de voir : une femme à la fois épouse, actrice publique, et emblème d’une France qui change. Bien debout dans des escarpins de 12 centimètre, Brigitte Macron avance libre, active, amoureuse, et est jugée anormale par ceux qui confondent différence et déviance.

Un couple hors norme dans un pays normatif

Depuis leur apparition sur la scène publique, Emmanuel et Brigitte Macron déjouent la carte postale du couple présidentiel à la française. Exit l’épouse discrète et effacée, à la Claude Pompidou ou Anne-Aymone Giscard d’Estaing, place à une femme mature, visible, ultra-chic, habillée par les plus grandes marques françaises, qui assume son âge, son histoire, son amour. Un amour que la France, paradoxalement si romantique, a souvent regardé avec suspicion. Comme si la différence d’âge, 24 ans, ne pouvait être qu’une anomalie. Comme si le pouvoir ne pouvait s’incarner qu’à travers un homme plus vieux et une femme plus jeune, docile, décorative. Brigitte Macron dérange, parce qu’elle inverse ce schéma, parce qu’elle ne s’excuse pas d’exister, ni d’aimer, ni d’être vue. Elle, l’ancienne prof de lettres, a gardé sa diction de théâtre, son port de tête, sa blondeur travaillée, défend des causes éducatives, et tiens son rang sans se travestir en potiche.

Quand le sexisme se travestit en conspiration

Les rumeurs sur le genre de Brigitte Macron, on ne le dira jamais assez, ont la bêtise du caniveau et la virulence d’un virus. Une fake news née en 2021 sur des forums complotistes, alimentée par une pseudo-enquête, reprise ensuite par des influenceurs d’extrême droite. Le scénario est aussi grossier qu’efficace : faire d’une femme une « imposture ». Mais derrière le rire gras, il y a surtout du sexisme, et de la transphobie pure. Car dans cette obsession à nier le corps féminin de Brigitte Macron, il y a une peur panique : celle du genre qui échappe, de l’identité qui ne se plie pas.
Les attaques contre elle, utilisent les mêmes armes que celles déployées contre les personnes trans : disqualification de l’apparence, soupçon sur le corps, négation de la parole. Peu importe que Brigitte Macron soit une femme cisgenre; ce qui compte pour ses détracteurs, c’est l’idée qu’elle ne pourrait pas l’être. Autrement dit, qu’une femme libre, mûre, influente, ne peut pas exister sans fraude.

Parce que quand on traite une femme de « trans » pour la ridiculiser, ce n’est pas une insulte envers elle ; c’est une injure faite aux trans. Quand on qualifie un homme amoureux d’une femme plus âgée de « pédé », on révèle un autre dégoût, plus enfoui : celui du masculin non dominant. Transphobie et homophobie deviennent des réflexes pavloviens : des manières de recoller les morceaux d’un ordre genré qui se fissure.

Un couple symbole d’un monde qui bascule

On a souvent reproché à Emmanuel Macron d’être « hors sol ». Peut-être. Mais autour de lui, c’est la boue qui monte, et c’est Brigitte qui en prend plein la figure. Lui, président de la verticalité ; elle, cible horizontale, étalée sur les réseaux. Comme si le pouvoir, quand il est féminin ou simplement égalitaire, devait forcément être sali.

L’histoire des Macron, c’est une rencontre, un écart d’âge certes, mais c’est avant tout un choix. Et ce choix librement consenti horripile. Le Président jeune, sa femme plus âgée : inversion des rôles, explosion des codes. On ne pardonne pas à un homme d’aimer une femme qui pourrait être sa mère. On ne pardonne pas à une femme d’incarner à la fois l’amour, le pouvoir, la maturité. Et surtout, on ne pardonne pas à un couple d’être libre dans un pays qui prétend l’être.

Les Macron sont donc les premiers dirigeants français nés dans la pleine ère de l’image et du soupçon, a affronter ce que certains observateurs appellent la “rumeur du siècle”. Et il va falloir malheureusement s’y habituer, car tout est visible, tout est commenté, chaque geste est suspect, comme la baffe à la sortie de l’avion qui a obligé le président de la République a se justifier sur son couple.

Le tribunal comme miroir de notre lâcheté

Au tribunal de Paris, malheureusement on jugera des individus, mais pas un système. La justice condamnera quelques tweets, pas une culture. Et pourtant, ce sont nos reflets qu’on y verra. Ceux d’une société qui a laissé faire, qui a ri, qui a cliqué, qui a partagé. Car dans la rumeur, il n’y a pas que la haine : il y a la curiosité morbide, le petit plaisir de croire qu’on détient « la vérité que les autres ignorent ».

Ce procès n’est pas seulement celui de dix harceleurs derrière leurs écrans. C’est le procès de notre époque, de nos réseaux, de nos peurs. Il interroge notre rapport à la liberté, à la différence, à l’image publique. Il interroge notre capacité à accepter que l’amour ne soit pas conforme, que le genre ne soit pas figé, que le pouvoir n’appartienne pas qu’à « l’homme dominant ».
Lorsque la justice se saisit de la rumeur, elle nous rappelle aussi que chaque clic compte, chaque partage peut blesser, que chaque femme visible dérange, mais que peut-être justement elle doit déranger pour que quelque chose change.

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Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux coulisses des affaires, de la culture aux nouvelles tendances, elles parcourent la ville et le monde pour capter les histoires, les personnages et les mouvements qui font l’actualité. Toujours sur le terrain, elles mêlent rigueur journalistique et sens du récit, pour offrir aux lecteurs des portraits, enquêtes et chroniques à la fois informatifs et captivants.
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