Oubliées des labos, négligées par les banques, regardées de haut par la distribution : les peaux riches en mélanine n’étaient qu’une note de bas de page dans la cosmétique mainstream. Muriel Berradia en a fait son moteur de guerre. Avec Nuhanciam, elle a construit une marque indépendante, testée sur tous les phototypes, financée par la fidélité des clientes avant celle des investisseurs, et désormais visible en TV et en pharmacies partout en France. Une success story née d’un « trop niche » transformé en modèle de croissance, et d’une idée simple : si ça marche sur les peaux les plus exigeantes, ça marche sur toutes.

Rapporteuses : Le constat de départ : vous avez vu un trou dans la raquette de la cosmétique. Comment passe-t-on d’un manque à un business plan solide ?
Muriel Berradia : Quand j’ai lancé Nuhanciam avec Jocelyn, nous étions frappés par le fait que des millions de femmes aux peaux mates et foncées n’avaient pas de réponses sérieuses, ni efficaces, à leurs problématiques cutanées. Nous sommes partis d’un constat simple : les peaux riches en mélanine étaient les grandes oubliées de la cosmétique. Ce n’était pas un “segment”, c’était une évidence. On a donc bâti un business plan très rationnel : cibler un besoin réel, universel, documenté médicalement, et y répondre avec des soins performants, tolérants, testés cliniquement. L’idée n’était pas de surfer sur une tendance, mais de construire une marque pérenne, utile et rentable.
Puis une intuition : si un soin est efficace et tolérant sur ces peaux, souvent plus réactives et exigeantes, il fonctionnera sur toutes. C’est ce qu’on a prouvé. Nos produits sont testés cliniquement sur tous les phototypes, du I au VI, ce qui est encore rarissime sur le marché. C’est devenu un business plan solide car nous répondons à la fois à une niche mal desservie et, plus largement, à toutes les peaux.
Rapporteuses : Les débuts : galères de financement, méfiance des distributeurs, plafonds de verre… comment avez-vous contourné les portes fermées ?
M.B. : Avec de la ténacité et une conviction inébranlable. Les distributeurs nous disaient : “c’est trop niche, ça ne marchera pas”. Les banques n’avaient pas de cases pour nous. On a avancé pas à pas, en s’appuyant sur le bouche-à-oreille, la prescription et surtout la fidélité des premières clientes. Ce sont elles qui ont construit Nuhanciam avec nous. Chaque barrière a été transformée en argument pour prouver qu’on avait raison d’exister.
Nous sommes partis d’un constat simple : les peaux riches en mélanine étaient les grandes oubliées de la cosmétique.
Muriel Berradia
Rapporteuses : Aujourd’hui, Nuhanciam a trouvé son public. Quel est le vrai levier de croissance : la niche, la communauté ou la différenciation produit ?
M.B. : Les trois. La niche nous a donné une légitimité, la communauté nous a donné une voix, et la différenciation produit a assuré notre crédibilité. Mais si je dois en choisir un : c’est la science. Sans efficacité prouvée, aucune marque ne dure. La fidélité de nos clientes vient de là : elles constatent des résultats, elles en parlent, et la communauté grandit.
Notre premier public, ce sont les femmes à la peau riche en mélanine (mat à foncée) qui nous ont donné notre légitimité. Mais nous nous sommes vite rendus compte d’un phénomène inverse : des femmes caucasiennes se tournaient vers Nuhanciam car nos formules, pensées pour les peaux les plus exigeantes, leur donnaient des résultats visibles. C’est ça le vrai levier : l’efficacité universelle, prouvée sur toutes les carnations.
Rapporteuses : Face aux mastodontes du secteur, votre atout c’est la réactivité. Mais est-ce qu’une petite marque peut vraiment jouer dans la même cour ?
M.B. : On ne joue pas dans la même cour, et c’est très bien. Là où un mastodonte met deux ans à sortir un produit, nous testons, ajustons, lançons beaucoup plus vite. Nous écoutons directement notre communauté, sans filtre. On n’a pas leurs moyens publicitaires, mais on a l’agilité et la sincérité. Et aujourd’hui, les consommatrices sentent la différence. Depuis deux ans, nous avons enclenché une nouvelle dynamique : refonte de nos packs, nouveau claim, campagne TV et affichage nationale… des investissements puissants pour une marque indépendante. Notre distribution exclusive en pharmacie est aussi un choix différenciant fort : c’est le lieu de confiance, d’expertise et de prescription qui crédibilise notre approche dermo-cosmétique.
On ne cherche pas à copier leurs codes. Eux testent encore leurs soins sur un panel limité, nous testons systématiquement sur tous les phototypes. C’est une garantie d’efficacité et d’inclusivité réelle, pas marketing. Et ça, c’est un terrain où une petite marque peut clairement faire la différence.
Ce qui nous a sauvés, ce sont nos clientes, pas les investisseurs. Les banques adorent les slides PowerPoint, mais ce sont les preuves de
Muriel Berradia
marché qui font la différence. Aujourd’hui, nos chiffres parlent pour nous.
Rapporteuses : En termes de chiffres : où en est Nuhanciam aujourd’hui (CA, croissance, parts de marché) et quels sont vos objectifs d’ici 3 ans ?
M.B. : Nous affichons une croissance solide depuis plusieurs années. L’arrivée de nouveaux investisseurs en 2024 nous a permis de changer d’échelle, dans un modèle inédit : ce ne sont pas des fonds impersonnels mais des entrepreneurs sincèrement attachés à Nuhanciam. Cela nous a donné les moyens d’investir dans des campagnes fortes, d’accélérer notre distribution et de multiplier les lancements produits.
Nous affichons une croissance annuelle à deux chiffres depuis trois ans À trois ans, l’ambition est claire : consolider notre leadership en pharmacie et nous imposer comme la référence des soins universels testés sur tous les phototypes.
Rapporteuses : Distribution : e-commerce, concept stores, pharmacies… quel canal vous rapporte vraiment, et lequel n’a pas tenu ses promesses ?
M.B. : Notre choix est assumé : la distribution exclusive en pharmacie. Parce que la pharmacie, c’est la crédibilité scientifique, le conseil expert et la confiance des consommatrices. C’est là que notre ADN dermo-cosmétique prend tout son sens. L’e-commerce est bien sûr un relais de croissance, mais notre cœur de distribution restera la pharmacie. En revanche, les concept stores, c’est séduisant sur le papier mais ça ne correspond pas à notre promesse de marque : nous sommes une marque experte, pas un produit lifestyle.
Nous écoutons directement notre communauté, sans filtre.
Muriel Berradia
On n’a pas leurs moyens publicitaires, mais on a l’agilité et la sincérité.
Rapporteuses : Vous avez choisi le naturel et l’efficacité ciblée. Est-ce un argument de vente ou un vrai investissement R&D qui pèse lourd dans vos marges ?
M.B. : C’est un investissement. Travailler sur les peaux riches en mélanine, c’est affronter des problématiques cutanées complexes (taches pigmentaires, hyper-réactivité…). Pour y répondre, nous avons choisi de développer des formules naturelles mais ultra-performantes, et surtout de les tester cliniquement sur tous les phototypes. Cela a un coût, mais cela nous a permis de démontrer que si un soin est performant sur les peaux les plus exigeantes, il l’est encore plus sur les autres. Nous investissons beaucoup en R&D, comme le font les plus grands laboratoires, mais c’est ce qui nous permet d’innover en permanence – avec 10 nouveautés prévues en 2025 et 6 en 2026.
Rapporteuses : Les échecs aussi font partie du business : un produit, une campagne ou une levée de fonds ratée ? Qu’est-ce que vous en avez appris ?
M.B. : Nous avons eu des produits qui n’ont pas trouvé leur marché, ou des campagnes qui n’ont pas résonné. Mais chaque échec a été une source d’apprentissage : mieux écouter, mieux cibler, mieux planifier. L’essentiel est d’échouer vite, et de rebondir immédiatement.
Rapporteuses : Les investisseurs et les banques adorent le mot “diversité”. Mais est-ce qu’ils mettent l’argent sur la table quand il s’agit de Nuhanciam ?
M.B. : Soyons clairs : la diversité est un mot à la mode, mais ce n’est pas encore un critère concret pour les financements. On a donc longtemps dû se débrouiller seuls. Ce qui nous a sauvés, ce sont nos clientes, pas les investisseurs. Les banques adorent les slides PowerPoint, mais ce sont les preuves de marché qui font la différence. Aujourd’hui, nos chiffres parlent pour nous.
Rapporteuses : Dans cinq ans, vous rêvez de quoi : rachat par un gros, développement international, ou rester indépendante pour contrôler la vision ?
M.B. : Nous sommes entrés depuis 2024 dans une nouvelle ère : repack, nouvelle signature, campagne TV et affichage, investissements puissants en communication et innovation grâce à des investisseurs engagés et une indépendance préservée. Ce qui nous anime, c’est de prouver qu’une marque née des peaux riches en mélanine peut révolutionner la cosmétique pour toutes.
Dans cinq ans, notre ambition est de faire rayonner cette révolution cosmétique, de lancer de nouveaux produits, et de prouver que l’innovation née des peaux les plus exigeantes bénéficie à toutes. Rester indépendants est essentiel pour préserver cette vision et porter encore plus haut cette nouvelle dynamique.
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