Et si la prochaine rupture cosmétique ne venait ni de Séoul ni de la Silicon Valley, mais de la Guadeloupe, d’un cuir chevelu sensible et d’une équation chimique sans eau ? Chez Devance, la beauté capillaire ne promet pas, elle démontre. Elle se formule à froid, s’active à la main et refuse le folklore comme le greenwashing.
À l’origine, il y a les Antilles françaises, territoires longtemps relégués aux marges de la République, mais où l’on sait, par nécessité, observer le vivant de près : plantes médicinales, cheveux crépus, cuirs chevelus fragilisés, corps exposés aux normes importées. Fondée par France-Aimée Gaïl, docteure en chimie organique originaire de la Guadeloupe, passée par la R&D pharmaceutique et Sandro Gaïl, docteur en chimie appliquée, France-Aimée Gaïl a fondé Devance comme on pose un acte scientifique et politique. Avec Sandro, elle a transformé cette intuition en méthode, en fusionnant les remèdes ancestraux caribéens: gombo, ricin, dictame, tamanu avec la rigueur des biotechnologies françaises. Sandro Gaïl, est l’autre pilier de Devance. Passé par des environnements ultra-exigeants comme l’industrie automobile et la Formule 1, il veille à la stabilité, la reproductibilité et la performance mesurable des formules. Là où France-Aimée explore le végétal vivant et la sensorialité, Sandro transforme l’intuition en protocoles, les idées en résultats. Ensemble, ils forment un binôme rare : science dure et soin conscient, innovation et transmission. Car chez Devance, même le geste du rinçage est une revendication : les tisanes à infuser, héritées des pratiques caribéennes, remplacent ou complètent les après-shampoings standardisés et rappellent que le soin peut être à la fois rituel ancestral, protocole précis et alternative durable. Ainsi est née une nouvelle génération de soins : vivants , conscients et réhydratables à l’infini.
Pionnière des soins capillaires sans eau, lyophilisés et 100 % végétaux, la marque a été distinguée en 2025 par le Prix Innovation Or Vert – Innovation Outre-mer, décerné par le ministère des Outre-Mer et INCO, une reconnaissance institutionnelle qui consacre une cosmétique née d’un territoire longtemps relégué, mais aujourd’hui moteur d’innovation, de performance et de beauté inclusive. Un binôme de chercheurs qui transforme les cheveux texturés et les cuirs chevelus sensibles en terrain d’innovation, loin des tendances, près du vivant. Ici, la cosmétique n’est pas un caprice marketing, mais une réponse concrète à des besoins longtemps ignorés, et un acte de réparation capillaire. Entretien.
Rapporteuses : Qu’est-ce qui vous a fait quitter le monde de la recherche pharmaceutique pour créer Devance, une marque de soins capillaires ?
France-Aimée Gaïl : Mon envie de créer des solutions concrètes et accessibles pour les cheveux texturés m’a poussée à entreprendre. J’ai voulu mettre mes connaissances scientifiques au service de produits qui font réellement la différence au niveau de l’efficacité et de leur composition plus saine.
Rapporteuses : Votre parcours scientifique est rare dans la beauté. Comment vos années de doctorat et de R&D chez GlaxoSmithKline façonnent-elles aujourd’hui les produits Devance ?
F-A.G : Ces années d’expérience m’ont permis d’acquérir une certaine expertise scientifique qui inculque de la rigueur, de la précision et un sens aigu de créativité. Par ailleurs, le milieu pharmaceutique m’a sensibilisé au respect de la santé des consommateurs. C’est ainsi qu’aujourd’hui, Devance propose des produits innovants, efficaces et sans compromis pour la santé.
Rapporteuses : Devance est née en 2016 sous le laboratoire LIVENat. Comment a grandi l’idée d’une cosmétique capillaire “poudre” totalement naturelle et vegan ?
F-A.G : Je recherchais un moyen d’utiliser des extraits de végétaux dans mes formules sans les dénaturer. La méthodologie de lyophilisation (déshydratation à basse température) m’a permis non seulement de répondre à ce défi mais aussi de développer des formules sans conservateurs. Ce qui était un de mes objectifs principaux pour la gamme de soins Devance.
Le milieu pharmaceutique m’a sensibilisé au respect de la santé des consommateurs.
France-Aimée Gaïl
Rapporteuses : Dans vos formules, vous bannissez silicones, conservateurs et agents chimiques classiques. C’est une posture scientifique ou une prise de position éthique ?
F-A.G : Je dirais les deux ! Venant du monde la recherche, j’ai d’une part appris à optimiser mes formulations en diminuant le nombre d’ingrédients possible pour le meilleur résultat possible. C’est ce que nous appelons maintenant le minimalisme. D’autre part, je connais la toxicité de ces ingrédients chimiques, leurs effets sur la santé et sur l’environnement. Résultat : mes formules sont efficaces avec des ingrédients naturels, non toxiques et multifonctionnels.
Rapporteuses : Quelle est la plus grande idée reçue sur les cosmétiques “green” aujourd’hui ? Et comment Devance la renverse ?
F-A.G : La plus grande idée reçue est que les cosmétiques naturels ne sont pas toujours aussi efficaces que les produits conventionnels. Il faut savoir que la plupart des produits naturels contiennent entre 30% et 40% d’actifs alors que les produits conventionnels contiennent moins de 2%. Chez Devance, nous avons non seulement fait le choix de formuler avec jusqu’à 100% d’actifs naturels mais nous avons aussi tiré le meilleur de ces ingrédients naturels, pour garantir des résultats performants. Nos coiffeurs partenaires peuvent l’attester.
Rapporteuses : On parle souvent de “rituels” capillaires. Pour vous, la science doit-elle aussi faire sens avec le rituel et l’expérience sensorielle ?
F-A.G : Tout à fait ! un rituel capillaire appelle non seulement à conjuguer nos sens mais aussi à traiter chaque zone du cheveu à savoir, le cuir chevelu, l’intérieur du cheveu et la surface du cheveu l’une après l’autre. C’est ce que la science étudie car un seul produit ne permettra pas de résoudre les besoins de ces différentes zones.
Je connais la toxicité de ces ingrédients chimiques, leurs effets sur la santé et sur l’environnement. Résultat : mes formules sont efficaces
France-Aimée Gaïl
avec des ingrédients naturels, non toxiques et multifonctionnels.
Rapporteuses : Vous êtes femme, scientifique et entrepreneure dans un secteur plutôt dominé par les grandes maisons, comment vivez-vous ces différents chocs de culture ?
F-A.G : Vous savez, je ne me pose pas la question : je le fais car je sais ce que je vaux et je sais comment allier ces différents mondes. Je dirais même que ces défis m’ont renforcé et motivé à prouver que les femmes peuvent exceller dans des domaines techniques et entrepreneuriaux.
Rapporteuses : Quels sont les défis de faire produire des soins innovants, éthiques et performants en France aujourd’hui ?
Il faut savoir que la plupart des produits naturels contiennent entre 30% et 40% d’actifs alors que les produits conventionnels contiennent moins de 2%. Chez Devance, nous avons non seulement fait le choix de formuler avec jusqu’à 100% d’actifs naturels, mais nous avons aussi tiré le meilleur de ces ingrédients naturels pour garantir des résultats performants.
France-Aimée Gaïl
F-A.G : Aujourd’hui, en France, nous avons les moyens et les experts pour développer nos innovations. Il existe des pôles de compétence en cosmétique qui regroupent des laboratoires spécialisés. Nous possédons la règlementation cosmétique européenne et les exigences environnementales les plus strictes, ce qui constitue des directives pour concevoir des produits plus éthiques. Le seul défi à mon sens pour une entreprise est de savoir quel réseau intégrer pour développer pleinement son innovation et bien sur le coût de cette innovation car la R&D demande beaucoup en investissement.
Rapporteuses : Vos produits s’adressent à tous les types de cheveux, et particulièrement à des textures afros. Comment pensez-vous que la beauté inclusive et la science se rencontrent ?
F-A.G : Je dirais plutôt qu’il était temps que cette rencontre ait lieu ! C’est grâce à des scientifiques concernés par cette inclusion et qui osent entreprendre que les choses se font : nous devenons plus crédibles car nous maitrisons la science et nous savons ce dont notre peau et nos cheveux ont besoin.
Rapporteuses : Le marché de la beauté promet beaucoup, parfois trop. En tant que scientifique, où placez-vous la frontière entre innovation réelle et storytelling marketing ?
F.-A. G : En général, une innovation rompt avec les habitudes du consommateur et le marketing est essentiel pour que le produit soit bien compris et accepté. En faire trop n’est pas notre politique : chez Devance, nous investissons dans la R&D et la qualité de nos produits car notre objectif est de proposer des produits toujours plus innovants et plus respectueux de la santé et de l’environnement.
En consacrant une marque comme Devance, l’Outre-mer cesse d’être un simple marché ou un décor exotique pour devenir ce qu’il a toujours été : un laboratoire d’avant-garde. Là où l’on expérimente, faute de moyens mais avec lucidité, des solutions sobres, efficaces et durables. Peut-être faudrait-il enfin regarder ces territoires non comme des périphéries à rattraper, mais comme des zones pilotes écologiques, scientifiques et politiques, dont l’Hexagone ferait bien de s’inspirer.
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