Elle a pris la tête de Florajet en janvier 2024 et, en moins d’un an, Virginie Lefrancq a réinventé le vieux réflexe d’envoyer des fleurs. Message vocal glissé entre deux pétales, collaborations avec LEGO® ou Maxim’s, fleurs locales et bougies fleuries : la DG du leader français de la livraison florale veut conjuguer émotion et innovation, sans perdre le parfum du réel. Entre business, durabilité et audace sensorielle, elle raconte comment une PME du Luberon s’impose face aux géants du e-commerce.



Rapporteuses : Florajet, c’est la fleur express. Vous, vous parlez désormais d’expérience émotionnelle. C’est du marketing ou une vraie révolution des sens ?
Virginie Lefrancq : Depuis toujours, chez Florajet, nous parlons d’émotion. Notre métier ne se limite pas à livrer des fleurs : nous livrons des intentions, des sentiments, des instants de vie. Offrir des fleurs, c’est un geste qui peut sembler rare ou inhabituel pour certains, mais qui touche toujours profondément celui ou celle qui les reçoit.
Aujourd’hui, cette émotion prend une forme plus aboutie : une véritable expérience. Cela passe par le soin apporté à chaque étape, du choix du bouquet à sa livraison, mais aussi par l’attention portée à l’histoire qu’il raconte. Ce n’est pas une stratégie marketing plaquée : c’est une évolution naturelle de notre mission. Nous voulons que chaque envoi soit un moment sincère, une parenthèse sensible dans le quotidien.
Alors oui, c’est une révolution, mais une révolution douce, qui reconnecte les gens à l’essentiel : le plaisir d’offrir et la joie de recevoir.
Virginie Lefrancq
Rapporteuses : Un bouquet avec un message vocal, c’est un peu l’amour 3.0. Vous voulez digitaliser l’émotion ?
V.L. : Digitaliser l’émotion, ce n’est pas la remplacer, c’est l’amplifier. Chez Florajet, nous avons toujours cherché à rendre l’acte d’offrir plus personnel, plus touchant. Le message vocal, c’est une manière de prolonger le geste floral, de lui donner une voix, une intention, une chaleur humaine.
Ce n’est pas de la technologie pour la technologie. C’est une innovation pensée pour servir le lien. Dans un monde où les échanges sont parfois trop rapides ou impersonnels, nous voulons que chaque bouquet soit une expérience complète : visuelle, olfactive… et désormais auditive. C’est une façon de dire « je pense à toi » avec plus de présence, même à distance.
Rapporteuses : Vous annoncez des collaborations avec LEGO®, Maxim’s, Savor & Sens… Florajet se transforme-t-il en concept store fleuri ?
V.L. : Florajet ne devient pas un concept store au sens classique du terme, mais nous élargissons notre univers pour enrichir l’expérience client. Ces collaborations ne sont pas des coups marketing isolés : elles traduisent notre volonté de créer des ponts entre la fleur et d’autres formes d’émotion, le jeu, le goût, le parfum.
Nos collaborations ne sont pas là pour décorer notre image, mais pour enrichir l’expérience client. Avec LEGO® et la gamme Botanical, on prolonge la fleur par le jeu ; avec Maxim’s, par la gourmandise ; avec Panier des Sens, par le parfum.
Ces partenariats sont pensés pour surprendre, toucher, et faire vivre la fleur autrement. Ils traduisent notre ambition : faire de Florajet un acteur de l’émotion, au-delà de la livraison. On tisse des ponts entre la fleur et d’autres univers sensoriels. L’idée, c’est de faire vivre la fleur autrement, sans la dénaturer.
Si cela ressemble à un concept store fleuri, alors c’est un concept qui a du sens.
Rapporteuses : Dans un marché saturé par Interflora et les plateformes en ligne, comment fait-on encore pousser une marque ?
V.L. : On ne fait pas pousser pas une marque, pour moi on la cultive, avec patience, cohérence et audace. Florajet a choisi de miser sur sa singularité : une entreprise familiale, enracinée dans le Luberon, qui allie savoir-faire artisanal et innovation digitale. Dans un marché ultra-concurrentiel, notre force est d’avoir une vision claire : enrichir l’expérience client, créer des partenariats inattendus, et surtout, rester fidèle à notre mission, transmettre de l’émotion.
Rapporteuses : La RSE, tout le monde s’en drape. Vous, concrètement, qu’est-ce qui change pour les 4 500 fleuristes du réseau ?
V.L. : La RSE chez Florajet, ce n’est pas une posture, c’est une transformation. Nous avons engagé un parcours CEDRE, structuré autour de quatre piliers : gouvernance, écologie, chaîne de valeur et impact social. Concrètement, cela veut dire accompagner nos fleuristes vers des pratiques plus durables, valoriser les circuits courts, et intégrer des critères RSE dans nos référencements. D’ici 2028, nous visons -20 % d’émissions CO₂ sur la logistique et 60 % de fournisseurs engagés sur des critères responsables.
C’est une démarche collective, pas une contrainte : chaque fleuriste compte dans cette transformation.
Virginie Legrancq
Rapporteuses : Produire local, livrer vite, innover sans verdir le discours : la fleur reste-t-elle vraiment éco-compatible ?
V.L. : La fleur est un produit vivant, fragile, parfois importé, souvent saisonnier. Mais elle peut être éco-compatible si on repense toute la chaîne. Nous travaillons avec des producteurs français, développons des collections de fleurs de saison, et explorons des alternatives durables comme les fleurs séchées ou les bouquets comestibles. L’objectif est de concilier beauté, durabilité et sincérité. Pas de promesses creuses, juste des engagements concrets et mesurables.
Rapporteuses : Vous lancez des collections capsules comme dans la mode. Florajet devient une maison de création ?
V.L. : Oui, et fièrement. Nous avons toujours été créateurs d’émotions, aujourd’hui nous devenons aussi créateurs d’objets fleuris. Les collections capsules nous permettent d’explorer des univers, de collaborer avec des marques iconiques et inspirantes comme LEGO®, Maxim’s ou Savor & Sens, et de proposer des bouquets qui racontent une histoire ou de mettre en avant des petits créateurs français pour une offre vraiment unique. C’est une manière de faire vivre la fleur autrement, avec audace, modernité et de montrer qu’elle est pleine de style et de sens.
Rapporteuses : Le siège est dans le Luberon. Ça pèse quoi, d’être une PME familiale face aux géants de l’e-commerce mondialisé ?
V.L. : C’est une force. Être dans le Luberon, c’est être connecté à la terre, aux saisons, aux gens, au vrai. Florajet est une entreprise à taille humaine, avec une gouvernance agile et des valeurs fortes. Face aux géants, notre taille nous rend agiles et authentique, notre ancrage nous rend sincères, et notre indépendance nous rend libres. Elle nous rappelle chaque jour pourquoi on fait ce métier : livrer des émotions car avec Florajet c’est trop facile de faire plaisir
Rapporteuses : Vous misez sur la voix, la rapidité, la durabilité… Le prochain terrain d’innovation, c’est quoi : l’odorat connecté ?
V.L. : Pourquoi pas ! L’innovation chez Florajet, c’est avant tout une question d’émotion. Après le message vocal, nous explorons des pistes autour du sensoriel : des bouquets parfumés, des bougies florales, des expériences immersives. L’odorat est un sens puissant, intime, et nous réfléchissons à comment l’intégrer dans nos créations. Ce qui est sûr, c’est que l’innovation ne sera jamais gadget : elle doit enrichir le lien entre celui qui offre et celui qui reçoit.
Rapporteuses : Et vous, Virginie Lefrancq, quelle fleur vous ressemble ? Et surtout : à qui l’offririez-vous aujourd’hui ?
V.L. : La pivoine, sans hésiter. Elle est généreuse, un peu imprévisible, et elle s’ouvre avec le temps. Je l’offrirais à mon père, fondateur de Florajet, pour lui dire que ses racines ont donné naissance à une belle floraison et que l’histoire continue.

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