Saint-Germain-des-Prés, 28 et 29 juin 2025. Deux jours, soixante-dix auteurs, et l’odeur d’encre qui remonte la rue Bonaparte. Carole Fernandez a rêvé ce rendez-vous comme on imagine une table aux Deux Magots : avec du beau monde, des conversations qui dérapent et le plaisir de passer d’une voix à l’autre. Deux jours. Une place. Un clocher. Et la littérature, partout.
Saint-Germain-des-Prés reprend son vieux rôle : celui d’un quartier où les mots se croisent comme autrefois les volutes de Gitanes dans les cafés.
Sur la place, sous l’œil imperturbable du clocher millénaire, soixante-dix auteurs vont s’installer deux jours durant, et les tables s’aligner comme des lignes de cahier, pour une deuxième édition du Salon du livre Saint-Germain-des-Prés. Derrière, les auteurs, plumes connues ou prometteuses, signeront, discuteront, débattront. Ici, on passe d’un roman au polar, d’un essai politique à un album jeunesse, comme on change de trottoir.
Carole Fernandez, qui a imaginé ce salon « Des pages avant la plage », a voulu une programmation à l’image du quartier : éclectique et bavarde. Les Deux Magots, partenaires historiques, offriront le décor et le parfum d’antan. À deux pas, l’Hôtel de l’Industrie accueillera des grandes rencontres, l’école Saint-Benoît hébergera une dictée géante et l’Hôtel Bel Ami transformera ses salons en atelier d’écriture.
Et puis il y a l’histoire, celle qui colle aux murs : Vian, Beauvoir, Sartre, Camus. Les pavés sont encore tièdes de leurs nuits blanches. Les écrivains d’aujourd’hui viennent marcher dans leurs pas, réécrire la ville le temps d’un week-end.
Kamel Daoud, phrases tendues comme un fil, élégant comme toujours, viendra dérouler ses phrases où l’Algérie et l’Occident se frôlent, entre malentendus et fulgurances. Tonino Benacquista, l’orfèvre du polar et de l’humour noir, passera des marges au plein soleil, sourire complice derrière ses lunettes. Bernard Werber fera descendre les fourmis sur les pavés, rappelant que la science-fiction peut avoir la texture d’un conte philosophique.
David Foenkinos, amour en équilibre instable, chemise claire et timidité ironique, viendra parler d’amour comme d’une science inexacte. Grégoire Delacourt, coups au cœur en douceur, lui, racontera ces vies qui basculent pour un rien, avec son art des phrases qui frappent en douceur. Dany Laferrière, silhouette de flâneur et verbe dandy, fera planer sur la place un air de Port-au-Prince et de Montréal mêlés.
Mathias Malzieu, poète rock en veston étroit, pourrait presque gratter sa guitare entre deux dédicaces, tandis que La Grande Sophie, elle, prouvera qu’on peut passer du micro au stylo sans perdre la musique des mots. Alexandra Lapierre et Camille Laurens, elles, prendront la littérature à bras-le-corps, l’une en convoquant les grandes figures oubliées, l’autre en creusant les nuances de l’intime.
François Sureau, avec sa diction de magistrat du verbe, et Hubert Védrine, diplomate au carnet noirci de secrets, apporteront à ce marché des mots un parfum d’archives et de géopolitique. Valérie Trierweiler, plume directe et regard acéré, croisera Thomas Porcher, l’économiste qui parle aux passants comme aux plateaux télé. Clarisse Sabard distribuera des romans comme des sucreries d’été, et Stéphanie Blake dessinera des lapins insolents pour les petits qui s’ennuient déjà en juillet.
Autour d’eux, Irène Frain, Pierre Haski, Richard Malka, Ian Manook, Line Papin, Yann Queffélec, Gilbert Sinoué… chacun avec sa manière de tresser l’Histoire, les voyages, les amours ou les crimes. Claire Berest et Stéphanie des Horts apporteront un parfum de scandale chic, Jean-Michel Djian et Marie Drucker la rigueur des mots qui informent.
Entre deux signatures, on pourra filer à l’Hôtel de l’Industrie pour des grandes rencontres, s’aligner dans la cour de l’école Saint-Benoît pour cette dictée géante, M. Pivot peut dormir tranquille, la relève est là, ou s’essayer à l’atelier d’écriture de l’Hôtel Bel Ami. Les Deux Magots, partenaire comme une évidence, offriront peut-être un café serré aux irréductibles bavards.
Ici, Vian, Beauvoir, Sartre, Camus ont refait le monde. Le temps d’un week-end, Saint-Germain va le relire.
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