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Thierry Mugler © MARTIN OUELLET-DIOTTE 

Fashion Week : le couturier Thierry Mugler créateur du parfum Angel est mort à 73 ans

Le créateur français Thierry Mugler est décédé dimanche 23 janvier à 73 ans de « mort naturelle », a annoncé son agent à l’AFP. Le grand couturier avait encore des projets et devait annoncer de nouvelles collaborations en début de semaine.

La nouvelle est tombée hier, annoncée par son attaché de presse Jean-Baptiste Rougeot : « Nous avons l’immense tristesse de vous faire part du décès de Monsieur Manfred Thierry Mugler survenu dimanche 23 janvier 2022 », écrit sur un communiqué posté sur le compte Facebook officiel du créateur. « Que son âme repose en paix. » La mort de Thierry Mugler est aussi brutale qu’inattendue, car il avait encore des projets et devait annoncer de nouvelles collaborations en début de semaine.

Des femmes puissantes aux allures de cyborg

Thierry Mugler et Eva Mendes lors de la campagne Angel by Thierry Mugler au IAC Building à New York, le 23 juin 2011 © ROE MARTIN

Pour celles et ceux qui ont connu les années 90, on se souvient de Jack Lang alors ministre de la Culture dont le costume « col Mao » signé Thierry Mugler avait provoqué un scandale en 1985 sur les bancs de l’Assemblée nationale. L’autre image de Mugler est sans conteste le lancement en 1992 du parfum féminin Angel, en collaboration avec Clarins qui disputera la première place des ventes au mythique No 5 de Chanel.

Thierry Mugler est né à Strasbourg en décembre 1948, ancien ballet de l’Opéra du Rhin avant de suivre des cours à l’école des arts décoratifs de la capitale alsacienne. Il devient très vite styliste free-lance et travaille pour différentes maisons à Paris, Londres et Milan, avant d’exploser quelles années plus tard, car la mode des années 80 c’est lui. Auparavant en 1973, il crée sa propre griffe Café de Paris, et un an plus tard, la société Thierry Mugler. Le créateur impose très vite son style avec un mélange de sophistication et d’élégance, silhouette structurée, exagération des formes féminines avec des épaules accentuées par des rembourrages, des décolletés plongeants, des tailles étranglées, et des hanches rebondies. « La danse m’a beaucoup appris sur le maintien, l’organisation du vêtement, l’importance des épaules, du port de tête, du jeu et du rythme des jambes », disait-il.

Ses silhouettes étaient reconnaissables entre mille. Des femmes magnétiques puissantes à l’image du bustier libellule fusionné à des guidons de Harley. Un savant mélange entre surréalisme, science-fiction et fétichisme comme cette combinaison de cyborg issue de la collection haute couture automne-hiver 1995.  Manfred Thierry Mugler a définitivement transformé les femmes en créatures fantasmagoriques.

Thierry Mugler avant sa transformation © DR

Le clip Too Funky

Ses défilés avaient des allures de superproductions car pour lui, la mode était un show. A l’image de ce clip Too Funky, écrite et composée par George Michael en 1992. Des mannequins avec des tenues irréelles, en talons aiguilles, silhouettes lascives de Estelle Lefébure et Linda Evangelista, sans oublier le crêpage de chignon qui montre l’envers du décor avec le côté sulfureux de la mode à travers un défilé de Thierry Mugler. A lui seul le clip nous montre le glamour des podiums et l’enfer de leurs coulisses.  Emma Sjöberg, Tyra Banks et Rossy de Palma font aussi parti du casting. On peut admirer dans ce clip la fameuse combinaison Harley Davidson issue de la collection « Cow-Boy », portée par Emma Sjöberg. Cette tenue en bustier revisité, mêlant corset et guidon de moto, sera portée plus tard par Beyoncé lors de la tournée « I am… », dont Thierry Mugler réalisera les costumes en 2009. Dans Too Funky figure aussi une pièce pour femme-robot, une combinaison gynoïde et futuriste faite de métal, présentée en 1995 au Cirque d’Hiver pour les 20 ans de la maison Mugler. « J’ai toujours pensé que la mode ne se suffisait pas à elle-même et qu’il fallait la montrer dans son environnement musical et théâtral » disait-il.

Manfred Thierry Mugler © DPA-BRITTA PEDERSEN

Des défilés aux allures de show

Pour le dixième anniversaire de sa maison, en 1984, Thierry Mugler organise la première présentation de mode publique en Europe, au Zénith, devant 6 000 personnes, comme un concert de rock. Le défilé, s’est déroulé sur un podium de 35 mètres. Comme d’habitude, il contrôlait tout, des accessoires à la bande-son. « Ma mesure c’est la démesure », disait-il. Dix ans plus tard pour le 20e anniversaire de sa marque, le créateur choisit le Cirque d’Hiver, avec soixante-quinze stars et mannequins, de Naomi Campbell et Jerry Hall à l’héritière américaine Patricia Hearst, l’actrice Tippi Hedren et même James Brown en final surgissant d’une étoile géante au rythme de Sex Machine. En 2013, il a créé des spectacles musicaux à Paris et Berlin dont Mugler Follies pour « bousculer » l’art de la revue à grand renfort de transformistes et créatures ambiguës dans un étonnant « hommage à toutes les beautés ».

Après avoir quitté la mode, le couturier avait poussé l’art de la métamorphose jusqu’à devenir méconnaissable, corps et visage, en ayant recours au bodybuilding intensif et à la chirurgie esthétique, tout en s’engageant dans la méditation et le yoga. Le Créateur qui s’était confié au Figaro déclarait : « La première urgence était de me réapproprier mon corps, éreinté par mes années de danse et de couture, comme une renaissance, une façon d’effacer le passé », a expliqué le couturier, revendiquant « [sa] nouvelle maison corporelle », et exigeant qu’on l’appela désormais « Manfred T. Mugler ».

Une grande exposition intitulée « Thierry Mugler, Couturissime », conçue par le Musée des Beaux-Arts de Montréal, lui est actuellement consacrée au Musée des arts décoratifs à Paris jusqu’au 24 avril.

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