Elles avancent à deux, la tête haute, la voix chaude, les tambours en héritage. Martha « Martica » Galarraga et Eliene Castillo ne revendiquent pas un féminisme qui sépare, mais un féminisme qui rassemble, qui respire, qui danse. Afro-cubaines, artistes, co-leadeuses, elles signent Hasta Cuando, leur premier album, un manifeste où la douceur ne s’oppose jamais à la force, et où la révolte se chante autant qu’elle se vit.
Les panthères seront sur scène le 7 novembre au Studio de l’Ermitage à Paris, dans le cadre du festival Villes des Musiques du Monde. Rencontre avec deux femmes qui refusent la violence, et qui, tout en reprenant le tempo de leurs vies, n’attendent plus la permission d’exister.

Rapporteuses : Hasta Cuando… jusqu’à quand justement ? Qu’est-ce que ce titre dit de votre colère ou de votre patience ?
Las Panteras : Ça parle surtout de notre colère, car il est inadmissible qu’il existe encore aujourd’hui des inégalités envers les femmes dans tous les secteurs de la société.
Rapporteuses : Vous parlez de féminisme, mais d’un féminisme « ouvert », où la séduction et la liberté ne s’opposent pas. C’est une réponse à l’Occident ?
L.P. : Oui. Nous, Las Panteras, nous défendons le concept d’afro-féminisme latino. Nous ne détestons pas les hommes. Notre féminisme n’est pas défaitiste ni séparatiste. On aime la féminité, tout en restant forte, déterminée et féroce.
Rapporteuses : Vous êtes nées dans les tambours de La Havane et passées par le jazz, le funk, l’électro… Qu’est-ce qu’il reste d’afro dans tout ça ?
L.P. : Il reste beaucoup d’afro dans tous ces styles musicaux, parce que la racine africaine y est très présente et forte. On retrouve cela aussi dans nos croyances et notre mode de vie.
Rapporteuses : Eliene, vous venez du conservatoire. Comment vos deux mondes se sont-ils apprivoisés ?



Eliene. : Nous partageons la même spiritualité. Nous écrivons nos expériences de vie en accumulant des messages forts qui ont enrichi notre musique. Ces deux mondes ne sont pas aussi éloignés mais plutôt complémentaires. Cela s’est donc fait naturellement, sans se poser de questions.
Rapporteuses : Vous chantez les femmes, vendeuses de rue, philosophes ou business women. Ce sont des autoportraits déguisés ?
L.P. : Non. Notre message est pour toutes les femmes, dans n’importe quel contexte social où elles se trouvent. Ces héroïnes que l’on chante, ce sont des héroïnes du quotidien, que l’on croise chaque jour un peu partout dans le monde.
Nous défendons le concept d’afro-féminisme latino
Las Panteras
Rapporteuses : On entend dans vos textes la révolte, mais aussi beaucoup de douceur. Comment on garde la poésie dans la lutte ?
L.P. : Notre révolte et notre lutte ne sont pas agressives, mais bienveillantes. Le message de notre musique est positif et libérateur. On retrouve cette idée dans La Paciencia ou Vendele. La douceur et la lutte c’est à l’image de notre animal totem, la panthère. Elle est à la fois protectrice et bienveillante mais elle rugit quand il le faut.
Rapporteuses : Vous avez partagé la scène avec des géants comme Omar Sosa ou Chucho Valdès. Pourquoi avoir attendu pour rugir en votre nom propre ?
L.P. : Il fallait du temps pour évoluer, pour apprendre et pour se nourrir de nos expériences de vie. Aujourd’hui, on a trouvé notre formule. Elle s’est imposée à nous comme une évidence, un besoin de s’exprimer pleinement avec nos mots, avec notre musique.
Rapporteuses : En 2025, être deux artistes afro-cubaines en Europe, c’est encore un acte politique ?
L.P. : Pour nous, oui, c’est un acte politique, car en étant co-leadeuses d’un projet artistique fort et authentique, nous représentons notre culture et notre pays en Europe et dans le monde entier. On en est fières et on souhaite porter un message fort qui est de fait politique.
Rapporteuses : Si votre musique était une arme, ce serait laquelle ? Et contre quoi ?


Martha : L’intuition est une arme. Elle doit guider nos pas et nos décisions. Cela s’apparente à l’instinct animal de préservation.
Eliene : L’autre arme serait la patience. Contre qui ? Contre les narcissiques, contre les personnes mal intentionnées, etc.
Rapporteuses : Hasta Cuando sort dans un monde saturé de sons formatés. Qu’est-ce que vous espérez encore changer, ou simplement faire danser ?
L.P. : Nous attendons plusieurs choses avec notre musique et notre album. Faire danser, oui, mais aussi faire réfléchir, influencer, faire réagir de manière positive. Délivrer une parole forte pour toutes les femmes et lutter contre toute forme d’inégalité.
Merci à vous
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