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Stupeur à Tokyo, le 8 juillet 2022 à l’annonce de la mort de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe © Charly Triballeau

Assassinat de Shinzo Abe : stupeur et tremblement

Le meurtre par balle de l’ancien premier ministre Shinzo Abe lors d’un meeting de rue, a créé la stupeur sur l’Archipel et dans le monde. Les coups de feu ont été tirés vers 11h30 heure locale (04h30 heure de Paris), à proximité de la gare de Yama-tosaidaiji, à Nara, dans l’ouest du Japon.

Shinzo Abe, 67 ans, participait à un rassemblement électoral dans le cadre des élections sénatoriales prévues dimanche. Plusieurs médias rapportent qu’il a été touché dans le dos alors qu’il s’exprimait publiquement dans la rue. Dans une démocratie aussi stoïque que le Japon, cet assassinat qui est une première au Pays du Soleil Levant provoque une grande stupeur et fait trembler la classe politique nationale et internationale. Après Abraham Lincoln, JFK, Martin Luther King, Ghandi, Rafiq Hariri, Benazir Bhutto, Patrice Lumumba, Luis Carrero Blanco, Yitzhak Rabin, Anouar el-Sadate, Sylvanus Olympio, Thomas Sankara, Laurent-Désiré Kabila, entre autres, le nom de Shinzo Abe, s’ajoute à la longue liste des personnalités politiques mortes assassinées.

L’événement le plus tragique de la vie politique japonaise contemporaine

Shinzo Abe en meeting à Nara (Japon) le 8 juillet 2022, quelques secondes avant d’être visé par des tirs © KAZUHIKO HIRANO/ YOMIURI

Vendredi matin, le jeune sénateur Kei Sato est tellement heureux de la visite de Shinzo Abe, dans sa circonscription de Nara (ouest du Japon) qu’il ne cache pas sa joie en annonçant sur sa page Facebook « Shinzo Abe arrive !» Le banal meeting de rue en vu des élections sénatoriales, s’est transformé en drame sous les yeux du monde entier en créant l’événement le plus tragique de la vie politique japonaise contemporaine. « Peu après avoir pris le micro pour soutenir un candidat du PLD, un homme tenant un objet allongé ressemblant à un tube s’est approché de l’ancien premier ministre par derrière, et des bruits forts ont été entendus immédiatement après, selon des témoins », a indiqué The Japan News, l’édition en anglais du Yomiuri Shimbun. “Le premier tir a fait le bruit d’un jouet. Il [Shinzo Abe] n’est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir l’étincelle et de la fumée”, a déclaré une témoin de la scène à NHK“Des gens l’ont entouré et lui ont fait un massage cardiaque”, a-t-elle encore raconté. Une vidéo amateur a été diffusée dans laquelle on voit l’équipe de Shinzo Abe se précipiter vers lui. L’homme politique a été évacué d’abord en ambulance, puis en hélicoptère, précise CNN. C’est un homme à la stature exceptionnelle qui vient de tomber sous les balles de son meurtrier. Quand il démissionne le 16 septembre 2020, Shinzo Abe avait battu le record de longévité à ce poste, rompant avec une longue lignée de brefs prédécesseurs. Contrairement à la plupart d’entre eux, il se maintint au pouvoir non par une neutralité bienveillante mais par l’action, parvenant à contenter deux parties d’ordinaire antagonistes : l’électorat japonais, plutôt protectionniste et conservateur, qui le fêta à chaque élection ; et la communauté internationale, séduite par son volontarisme, ses professions de foi « libre-échangistes » et sa fidélité, sincère sinon affichée, à l’idéal démocratique face à l’expansionnisme de la dictature chinoise. « C’est un acte barbare en pleine campagne électorale, qui est la base de la démocratie, et c’est absolument impardonnable », a dénoncé l’actuel premier ministre japonais, Fumio Kishida, lors d’un point presse dans la matinée, avant que le décès de M. Abe ne soit confirmé. Les préparatifs électoraux se poursuivront, a-t-il précisé, car « nous devons absolument défendre les élections libres et équitables » et « nous ne céderons jamais à la violence ».

Transporté dans un état grave

Shinzo Abe transporté à l’hôpital dans un état grave © Shohei Izumi 

L’ex-Premier ministre a reçu deux balles au niveau du cou, a confirmé un membre de l’équipe médicale qui a tenté de sauver Shinzo Abe, à l’hôpital de Nara, lors d’une conférence de presse retransmise par la chaîne de télévision NHK. L’homme politique a d’abord été déclaré dans “un état très grave”, par l’actuel Premier ministre japonais, Fumio Kishida, ancien ministre des Affaires étrangères de Shinzo Abe de 2012 à 2017, ajoutant prier pour sa survie. “Shinzo Abe a été transporté [à l’hôpital] à 12h20. Il était en état d’arrêt cardio-respiratoire à son arrivée. [Les médecins ont] tenté de le réanimer. Cependant, il est malheureusement décédé à 17h03″ (10h03 à Paris), a déclaré Hidetada Fukushima, professeur de médecine d’urgence à l’hôpital de l’université médicale de Nara, situé à Kashihara, une ville voisine. “Nous n’avons pas été capables de le maintenir en vie”, a déclaré le médecin. Une transfusion sanguine a été pratiquée mais n’a pas permis de maintenir Shinzo Abe en vie. Shinzo Abe était devenu chef du gouvernement pour la première fois en 2006, puis de 2012 à 2020. Une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, la rectocolite hémorragique, était à l’origine de sa démission.

Un suspect, membre de la marine japonaise, arrêté

Le suspect au moment de son arrestation © Yomiuri Shimbun/STR

Un homme d’une quarantaine d’années a été interpellé, ont rapporté les médias japonais. Citant des sources policières, la chaîne de télévision publique NHK a affirmé qu’il tenait encore en mains une arme lors de son arrestation. L’homme n’a pas tenté de quitter les lieux, selon NHK. L’auteur des tirs s’appelle Tetsuya Yamagami, selon la même source. Membre de la marine japonaise, qu’il a quittée en 2005, il est âgé de 41 ans et originaire de Nara, selon les médias japonais. Il a été interpellé sur les lieux comme le montre cette vidéo où les policiers luttant contre le suspect au sol près de l’endroit où Shinzo Abe se tenait, quelques instants après les coups de feu. L’arme visible sur les images semble de conception artisanale, souligne Reuters. La police japonaise a perquisitionné son domicile peu après son arrestation. L’homme a avoué avoir commis le crime, a annoncé un haut responsable de la police de la région de Nara. Il “a déclaré avoir gardé rancune à une certaine organisation et il a avoué avoir commis le crime parce qu’il croyait que l’ancien Premier ministre Abe lui était lié”, a déclaré ce policier à des journalistes, en refusant de donner davantage de détails.

La classe politique internationale sous le choc

La Reine Elizabeth II reçoit Shinzo Abe et sa femme Akie à Buckingham Palace, le 5 mai 2016 © John Stillwell

Au Japon, mais aussi à l’étranger, les condamnations se sont succédé depuis la nouvelle de l’attaque. Le frère de Shinzo Abe, le ministre de la défense Nobuo Kishi, a évoqué un « affront à la démocratie ». Le chef de l’Otan s’est dit “profondément attristé” par le “meurtre odieux” de Shinzo Abe, “un défenseur de la démocratie”. La reine Elizabeth II s’est dite, ce vendredi, profondément attristée par la mort de l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe. Et il en a été de même du roi Willem-Alexander et de la reine Maxima des Pays-Bas. Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a “fermement condamné” vendredi l’attentat contre l’ex-Premier ministre japonais Shinzo Abe, dans un tweet publié simultanément à l’annonce de son décès par des médias japonais. Avant d’apprendre la mort de l’ancien dirigeant japonais, les réactions s’étaient déjà succédé. “Profondément bouleversé” par l’attaque, le Premier ministre indien, Narendra Modi, décrivait Shinzo Abe comme un “ami cher”, avant l’annonce de son décès. Le Premier ministre britannique Boris Johnson en pleine tourmente dans son pays, s’était dit quant à lui “consterné et attristé” après l’attaque “abjecte” contre l’ex-Premier ministre japonais. Le président du Conseil européen Charles Michel se déclarait “choqué et attristé” par l’attaque de celui qu’il voyait comme un “véritable ami, farouche défenseur de l’ordre multilatéral et des valeurs démocratiques”. En France, le président Emmanuel Macron a écrit sur Twitter être “profondément choqué par l’attaque odieuse” contre Shinzo Abe. “La France se tient aux côtés du peuple japonais”, a assuré le chef de l’Etat dans un tweet, adressant ses “pensées à la famille et aux proches d’un grand Premier ministre”.

Comme le souligne le South China Morning Post, c’était un « géant politique qui a façonné les politiques japonaises sur la Chine, la défense et l’économie ». Il avait provoqué les critiques de ses voisins chinois et coréens pour avoir visité en 2013 le temple shintoïste de Yasukuni à Tokyo, où sont honorées les âmes des guerriers morts pour l’empereur, y compris 14 criminels de guerre condamnés et exécutés après les procès de Tokyo en 1946.

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