Dans le cadre de la Semaine de l’Industrie (17–22 novembre), Aérométiers et ses partenaires, Air France Industries, Liebherr-Aerospace, Trescal, MBDA, la Cité des Métiers et CDG Alliance, ouvrent les portes de l’aéronautique à des centaines de jeunes pour leur faire découvrir des métiers passionnants, souvent méconnus, mais essentiels à l’innovation, à la sécurité et à la performance de tout un secteur. Copyright Aérométiers

Dans l’aéro, les filles ne manquent pas d’altitude

Par
rapporteuses
Rédaction Rapporteuses
Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux...
- Rédaction Rapporteuses
11 Min. de lecture

Pendant que l’industrie aéronautique se rêve en vitrine high-tech, Nicolas Gros, pilote d’une petite association qui fait beaucoup de bruit, préfère ouvrir les hangars plutôt que les PowerPoints. Avec Aérométiers, il embarque collégiens et lycéens dans les coulisses du secteur, et consacre trois journées, du 17 au 19 novembre, à « féminiser l’aéro », loin des discours en pilotage automatique. Visites chez Liebherr-Aerospace Toulouse, Trescal ou MBDA, immersion dans la maintenance d’Air France Industries : jusqu’au 22 novembre, une semaine pour casser les clichés, propulser des vocations et montrer que l’industrie n’est pas qu’un décor de salon du Bourget. Entretien.

Nicolas Gros, directeur Aérométiers. Copyright Aérométiers 

Rapporteuses : Aérométiers, c’est une petite structure avec un grand appétit. Qu’est-ce qui vous a poussé à ouvrir les portes de l’aéro à des gamins qui, souvent, n’y ont jamais mis les pieds ?

Nicolas Gros : Aérométiers est une association qui a été créée il y a 26 ans par Air France, la FNAM (Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers) et le GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales) justement pour cela : faire connaitre la diversité des métiers des 3A (Aérien, Aéroportuaire, Aéronautique) auprès d’un public scolaire, mais aussi de demandeurs d’emploi et de personnes en reconversion. Toute l’équipe d’Aérométiers est ainsi mobilisée pour informer, orienter, inspirer … et ainsi susciter des vocations !

Illustration industrie aéronautique – Copyright Aérométiers / ImmerCom Consulting

Rapporteuses : Vous consacrez trois journées uniquement à des jeunes filles. Il faut en arriver là pour secouer un secteur qui reste largement masculin ou c’est simplement du réalisme social ?

N.G. : Nous menons de nombreuses actions destinées à tous les publics. En l’occurrence, dans le cadre de la semaine de l’industrie, nous avons organisé 5 journées avec des entreprises adhérentes au label « Féminisons les métiers de l’aéronautique et du spatial », Air France, Liebherr-Aerospace, Trescal et MBDA. 2 avec Air France Industries étaient mixtes et adressées à des collégiens et lycéens. Les 3 autres journées étaient en effet dédiées à la thématique de féminisation des métiers du secteur avec des visites de site chez Liebherr-Aerospace Toulouse, Trescal et MBDA, qui leur ont permis de rencontrer des professionnelles pour des groupes de collégiennes et de lycéennes. Notre expérience nous a enseigné qu’il était nécessaire à certains moments de mener des actions ciblées destinées uniquement à un public féminin pour lui faire connaitre dans de bonnes conditions les métiers scientifiques et techniques de l’aéro et les opportunités que ces métiers offrent à tous et en particulier aux femmes.

Les stéréotypes de genres et les préjugés défavorables aux métiers
scientifiques et techniques et à l’industrie s’installent très tôt
dans les esprits.

Nicolas Gros

Rapporteuses : Chaque année, les industriels jurent qu’ils veulent plus de femmes, plus de diversité, plus d’ouverture… mais sur le terrain, on avance au pas d’escargot. Qu’est-ce qui bloque encore, selon vous ?

N.G. : Nous pouvons témoigner que la trentaine d’acteurs de l’aéro, parmi lesquels une majorité d’entreprises, signataires de la Charte « Féminisons les métiers de l’aéronautique et du spatial » sont authentiquement désireux d’embaucher plus de femmes dans leurs équipes. Mais en la matière seule une action déterminée et sur le long terme produira des effets. Les stéréotypes de genres et les préjugés défavorables aux métiers scientifiques et techniques et à l’industrie s’installent très tôt dans les esprits, c’est-à-dire dès les classes primaires. Il faut donc des années pour que nos actions portent des fruits et que le nombre de vocations pour ces métiers s’accroissent significativement. Ceci-dit, le taux de féminisation du secteur de l’industrie aéronautique en France est de 27% en 2024 contre 18% en 2007. Il y a donc une progression.    

Rapporteuses : Chez Liebherr-Aerospace Toulouse, Trescal ou MBDA, les jeunes filles vont rencontrer des ingénieures, des techniciennes, des opératrices. Pourquoi est-ce si crucial qu’elles les voient “en vrai” et pas seulement en photo dans une brochure RH ?

N.G. : Rien ne remplace l’expérience de la rencontre avec des professionnelles qui peuvent répondre aux questions et témoigner de leurs parcours et de leurs quotidiens. Visualiser des lieux de travail est aussi important. L’environnement industriel d’aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que véhicule l’imaginaire de l’usine encore marqué par le film « Les temps modernes » de Charlie Chaplin.

Rapporteuses : On parle peu de ces métiers : métrologie, maintenance moteur,défense… Pourquoi restent-ils aussi invisibles dans les parcours d’orientation ? Manque de panache ou manque de communication ?

N.G. : La France est malheureusement un pays très largement désindustrialisé. L’univers industriel est donc logiquement inconnu des parents, tout comme de la plupart des acteurs de l’orientation. De surcroît les filières techniques souffrent de préjugés défavorables. Un effort de communication très important est à mener et nous nous y employons mais là aussi il faut s’inscrire dans la longue durée.

Notre expérience nous a enseigné qu’il était nécessaire à certains moments de mener des actions ciblées destinées uniquement à un public féminin pour lui faire connaitre dans de bonnes conditions les métiers scientifiques et techniques de l’aéro.

Nicolas Gros

Rapporteuses : Vous ouvrez aussi les portes d’Air France et du musée de l’Air & de l’Espace. Entre histoire glorieuse et technologies de pointe, comment on évite l’effet “carte postale” pour montrer la réalité du travail ?

N.G. : C’est tout l’intérêt de l’échange avec les professionnelles qui sont amenées à parler de leur quotidien, à répondre à toutes les questions, y compris à celles que l’on n’ose pas ou que l’on ne pense pas à leur poser. Les visites de sites doivent absolument s’accompagner de moments d’échanges de qualité et nous y veillons.  

Rapporteuses : Quand vous entendez qu’“il n’y a pas de candidates”, argument qui revient comme une turbulence chronique, vous répondez quoi ?

N.G. : Il n’y a effectivement pas assez de femmes en écoles d’ingénieur(e)s ou dans les filières techniques et technologiques. En revanche nous sommes persuadés que cette situation peut changer et qu’il y a potentiellement de nombreuses vocations féminines qui ne demandent qu’à s’exprimer. Pour cela il est important d’agir très en amont, dès les classes primaires, et de poursuivre l’effort pendant des années.  

Rapporteuses : Aérométiers pousse un label, “Féminisons les métiers”. Au-delà du slogan, c’est quoi l’outil concret ? Un coup de tampon ou un vrai levier pour bousculer les entreprises ?

N.G. : Le label « Féminisons les métiers de l’Aéronautique et du spatial » qui rassemble des administrations, des fédérations professionnelles, des écoles et de nombreuses entreprises est en réalité un groupe de travail permanent. Tous les mois nous réunissons les correspondants représentants nos adhérents et nous décidons ensemble d’actions de terrain ou de communication tout au long de l’année.  Les visites organisées lors de la semaine de l’industrie font partie de ces actions, mais il y en a bien d’autres (salons, forums, tables rondes, « Concours Féminisons », « Rencontres Féminisons », « Femmes de la Défense », « Networking femmes de l’Aéro » …).

Visite d’élèves chez Airbus dans le cadre de Féminisons – Copyright Aérométiers

Rapporteuses : Pour beaucoup de jeunes, l’industrie reste un monde fermé, lointain, presque une autre planète. À quel moment vous voyez l’étincelle, la bascule, pendant ces visites ?

N.G. : Les visites de sites industriels, mais aussi les rencontres dans le cadre de salons ou forums, le concours « Féminisons » ou encore les interventions dans les collèges et lycées (Aérométiers a organisé 385 interventions dans des collèges et lycées durant l’année scolaire 2024/25 dans le cadre de son programme « Terre et Ciel ».) sont des occasions de faire naître la petite étincelle à l’origine de belles carrières et de beaux parcours.    

Rapporteuses : Après cette semaine où vous aurez trimballé des centaines de jeunes dans les entrailles de l’aéro, qu’est-ce que vous espérez avoir bougé ? Une vocation, un cliché, une trajectoire… ou juste la façon de regarder un avion ?

N.G. : La semaine n’est pas terminée et le bilan reste à faire, mais les retours que nous avons (entreprises très mobilisées, jeunes filles intéressées) sont très positifs. Une des difficultés de ce type d’action c’est que les résultats ne sont visibles que des années plus tard. Il faut donc avoir la foi en nos actions, mais heureusement, de temps à autre, nous avons de beaux témoignages qui nous encouragent à maintenir le cap.  

Plus d’infos

Aérométiers

Air France

FNAM

GIFAS

Liebherr-Aerospace Toulouse

Trescal

MBDA

Cité des métiers

CDG Alliance

Semaine de l’Industrie 

Partager cet article
Rédaction Rapporteuses
Suivre :
Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux coulisses des affaires, de la culture aux nouvelles tendances, elles parcourent la ville et le monde pour capter les histoires, les personnages et les mouvements qui font l’actualité. Toujours sur le terrain, elles mêlent rigueur journalistique et sens du récit, pour offrir aux lecteurs des portraits, enquêtes et chroniques à la fois informatifs et captivants.
Aucun commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *