Le 3 décembre prochain, à l’Aéroclub de France, les lauréates du premier Prix « Femmes de l’Aéro et du Spatial » recevront leurs distinctions. © GIFAS

Turbulences dans l’Aéro : les femmes entrent en piste

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Rédaction Rapporteuses
Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux...
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En 1967, Dutronc chantait qu’il rêvait « toute sa vie d’être une hôtesse de l’air ». Tout un programme : la femme réduite à un sourire, un tailleur étriqué et un plateau-repas. Quarante ans plus tard, Britney Spears, latex turquoise et Boeing supersonique, recyclait le fantasme en clip MTV dans Toxic. En 2025, la K-pop continue de jouer la carte du stéréotype : hôtesses asiatiques tirées au cordeau, sourire figé, féminité sous vide. Bref, dans l’imaginaire collectif, l’aéronautique, c’était : les mecs construisent, les nanas sourient.

Mais derrière ce folklore qui colle aux nuages comme un vieux chewing-gum sous le fauteuil des compagnies aériennes, la réalité change, et avec la robotisation des chaînes, les portes de l’industrie s’ouvrent enfin à une main-d’œuvre mixte.

Car si les femmes ont toujours été là, pionnières, aviatrices, mécanos de fortune, elles ont longtemps été confinées aux rôles dits « doux ». Les hommes dessinaient, construisaient, pilotaient. Les femmes servaient le café. Argument massue des ateliers : « trop dur, trop sale, trop technique ».

Mais depuis que ces ateliers se sont robotisés et que les boulons se serrent à la machine plutôt qu’au biceps, plus aucun prétexte pour écarter les femmes des hangars. Terminées les excuses. L’aéronautique découvre qu’une ingénieure peut coder un système embarqué sans demander la permission à un barbu en combinaison bleue.

Le Salon du Bourget, version 2025, a fait de cette féminisation son carburant. Le GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales) a sorti l’artillerie lourde : 158 animations, 74 boîtes mobilisées, des bus de collégiennes débarquées de toutes les régions, et même des outremers. Claudie Haigneré, première Française dans l’espace, et dix marraines internationales ont joué les éclaireuses. Objectif : démonter l’idée que l’aéro, c’est un club de mecs en bleu de travail, et son avenir sera aussi féminin ou ne sera pas.

Cerise sur le réacteur : le 20 juin, la création du Prix Femmes de l’Aéro et du Spatial. Sept trophées au nom de badass historiques : Maryse Bastié (management), Jacqueline Auriol (terrain), Caroline Aigle (carrière), et un « Grand Prix de la Femme de l’Année » pour graver les réussites dans le marbre. Enfin un podium pour celles qui réparent les ailes, calculent les trajectoires, ou manient la clé à molette mieux qu’un pilote manie son joystick. Pas du storytelling : un vrai plan pour visibiliser celles qui réparent les ailes, conçoivent des cockpits, ou alignent les datas.

Fort de ce constat, l’« Avion des Métiers » a déroulé son inventaire : ingénieur IA, peintre aéronautique, mécanicien avionique, architecte système, ajusteur, data scientist, cheffe de piste… autrement dit, bien plus que du service en cabine. Ajoutez à cela une quarantaine d’écoles et de CFA prêts à former la relève. Une sorte de casting à ciel ouvert pour lycéenne de seconde qui hésitent entre filière techno et bac pro.

Enfin un vrai casting. Pas celui où l’on se crêpe les cheveux pour devenir « Ange » en string fluo sur une plage de Cancún, ni celui où l’on se bat pour trois minutes d’antenne dans une téléréalité bas de plafond. Non, un casting qui propose à des jeunes filles autre chose qu’un rôle de potiche surexposée : celui d’ingénieure systèmes, de mécanicienne avionique, de data scientist ou de cheffe de piste.

Au Salon du Bourget, les collégiennes et lycéennes invitées par le GIFAS ont découvert un univers où l’on fabrique des Airbus de trois millions de pièces plutôt que des stories Instagram sponsorisées. Ici, pas de confessionnal avec néon rose et canapés en skaï, mais des hangars, des moteurs, des logiciels, des trajectoires. Bref, de la matière grise, de la sueur et de la passion.

Ce n’est plus la téléréalité des « Anges », c’est la réalité d’un secteur qui recrute, paie et exige. Et si l’industrie aéronautique réussit son coup, peut-être que, demain, les petites sœurs de la génération TikTok rêveront d’usine et de cockpit plutôt que de télécrochets saturés de Botox.

Le 3 décembre prochain, à l’Aéroclub de France, les lauréates du premier Prix « Femmes de l’Aéro et du Spatial » recevront leurs distinctions. Au-delà des paillettes, l’enjeu est simple : montrer que la féminisation n’est pas un supplément d’âme, mais une condition de survie pour une industrie en pleine mutation écologique et technologique.

Reste la question : mimétisme ou fantasme ? Car si la pop culture adore recycler l’image de l’hôtesse ultra-maquillée, le terrain raconte une autre histoire : celle de techniciennes qui négocient un avion de 3 millions de pièces avec la même exigence que leurs collègues masculins.

Conclusion : il faut se réjouir car l’aéronautique se féminise enfin. Pas par gentillesse, mais parce que l’industrie a besoin de cerveaux. En attendant, la filière a un boulot monstre : casser l’image vintage de l’hôtesse potiche et montrer qu’une gamine de 15 ans peut rêver de turbopropulseurs plutôt que de tailleurs étriqués. Et qu’à force de ne recruter que des mâles en bleu de chauffe, elle risquait surtout de s’écraser. Dans le ciel, comme ailleurs, les femmes ne se contentent plus de servir des cacahuètes. Elles dessinent les trajectoires.

Sources :

GIFAS

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Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux coulisses des affaires, de la culture aux nouvelles tendances, elles parcourent la ville et le monde pour capter les histoires, les personnages et les mouvements qui font l’actualité. Toujours sur le terrain, elles mêlent rigueur journalistique et sens du récit, pour offrir aux lecteurs des portraits, enquêtes et chroniques à la fois informatifs et captivants.
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