Ancienne du luxe et de la cosmétique, Elizabeth Trémosa a choisi la voie étroite : créer une marque indépendante, hybride, née entre Paris et Séoul. Dans un marché saturé de promesses et d’influenceurs, MI-RÊ Cosmetics trace sa route, entre innovation scientifique, éthique maîtrisée et audace entrepreneuriale. Une rébellion élégante dans un monde de titans.


Rappoteuses : Quand vous vous êtes lancée dans MI-RÊ, quel a été le déclic, et la peur la plus immédiate, face à un marché dominé par des géants ?
Elizabeth Trémosa : Mon déclic s’est fait progressivement. Je rêvais, depuis de nombreuses années, d’une marque qui me permettrait d’exprimer mon concept de beauté globale. Au cours de mes expériences dans l’industrie du luxe et de la beauté, j’ai senti un manque d’inclusivité (moi même étant une personne multiculturel Franco-Mexico-Américaine) et des produits simples d’utilisation auxquels j’ai voulu répondre par la création de MI-RÊ Cosmetics. J’ai, par la suite, fait la rencontre de mon ex-associée, originaire de Corée du Sud. Elle souhaitait créer une marque de maquillage et moi, une marque de skincare multifonctions. Le packaging Cushion m’a immédiatement inspiré et j’ai dit plutôt que de choisir l’une ou l’autre, on fera la fusion de nos deux visions pour créer une première version de MI-RÊ.
Concernant ma peur la plus immédiate, je ne saurais vous dire. En réalité, j’ai foncé. Je ne me suis pas posé trop de questions. Aujourd’hui nous pourrions presque appeler cela de l’inconscience. Mais à l’époque, j’ai simplement suivi une intuition. J’avais de l’expérience dans cette industrie et j’étais entourée d’un réseau de professionnels qualifiés. A ce stade, l’effervescence et l’espoir que je vouais à ce projet, occupaient toute mon attention.
Nous ne proposons pas seulement des produits de k-beauty, mais nous adaptons la k-beauty aux problématiques occidentales, pour condenser : performance, innovation et soin.
Elizabeth Trémosa
Rappoteuses : Le “hybride” maquillage-soin, est-ce une mode passagère, ou selon vous une vraie révolution structurelle du marché cosmétique ?
E.T. : Selon moi, l’hybridation du soin au maquillage est une véritable révolution structurelle du marché. Je pense que nous avons passé un cap dans l’industrie de la beauté. Chacun, chacune, accorde désormais autant d’importance à la santé de sa peau qu’au rendu de son maquillage, parfois même davantage.
Nous ne voulons plus choisir entre efficacité immédiate et bénéfices long terme. Nous attendons des produits qu’ils embellissent tout en prenant soin, qu’ils soient adaptés aux peaux sensibles, aux rythmes de vie rapides, et qu’ils respectent la singularité de chacun.
Cette évolution répond à une prise de conscience collective : la beauté ne doit pas se faire au détriment du bien-être. J’ai voulu un maquillage qui soit la continuation de ma routine beauté. Je ne voulais surtout pas un maquillage qui camoufle ou qui transforme mon visage, mais uniquement qu’il mette en avant la beauté de chaque une sans oublier les peaux matures. Je pense que l’époque où il n’y avait que l’option d’un maquillage destiné à camoufler plutôt qu’il ne sublime, est dernière nous. Aujourd’hui les consommateurs ont le choix.
L’hybride maquillage-soin s’impose donc comme la nouvelle norme plus au moins accentuée selon les marques. Nous avons opté pour intégrer un vrai soin complet dans chacun de nos produits, c’est au cœur de notre philosophie qui guide chacun des développements chez MI-RÊ Cosmetics.
Rappoteuses : Comment gérez-vous la tension entre exigence scientifique (actifs, formulation coréenne) et impératif marketing (packaging, storytelling) ?
E.T. : Chez Mi-Rê Cosmetics, nous considérons que scientifique et marketing ne sont pas des opposés, mais des alliés. L’exigence scientifique est notre socle : chaque actif, chaque formulation est rigoureusement sélectionné pour son efficacité, sa sécurité et son respect de la peau. Nous sourçons également des actifs en France et en Europe très efficaces et souvent brevetés, issue de la biotechnologie et de l’upcycling. C’est ce socle et la collaboration étroite des laboratoires français et coréens ainsi que celle des make-up artists expérimentés du cinéma, télé et mode qui garantit la performance et la crédibilité de nos produits.
L’impératif marketing, quant à lui, nous permet de raconter l’histoire de nos innovations et de les rendre accessibles et désirables pour toutes et tous. Packaging et visuels inclusifs deviennent alors des vecteurs de transmission de cette expertise. Ils traduisent l’efficacité des formules, en expériences concrètes et compréhensibles par nos clients.
Les clés sont l’équilibre et l’authenticité : ni compromis sur la qualité, les résultats ni abstraction scientifique inaccessible.
Nous nous tournons naturellement vers les pays où la K-beauty et notre
Elizabeth Trémosa
expertise franco-coréenne trouvent un écho : exigence de formulation, technologies innovantes, et recherche d’un résultat naturel.
Rappoteuses : Vous parlez d’une expertise franco-coréenne : comment se joue concrètement ce pont entre deux cultures, contraintes réglementaires, fournisseurs, visions esthétiques ?
E.T. : Chez MI-RÊ Cosmetics, notre expertise franco-coréenne se construit à l’intersection de deux cultures et de deux savoir-faire complémentaires. Concrètement, cela signifie collaborer étroitement avec nos laboratoires coréens, connus pour leur innovation constante et leur maîtrise des formulations à la pointe de la K-beauty, tout en intégrant les contraintes réglementaires et les exigences qualité de la France et du marché européen en général.
Ce pont se traduit également dans nos choix esthétiques : nous allions le raffinement et l’exigence à la française avec la technicité coréenne. Chaque ingrédient, chaque texture et chaque packaging est pensé pour refléter cette dualité. C’est d’ailleurs notre différence. Nous ne proposons pas seulement des produits de k-beauty, mais nous adaptons la k-beauty aux problématiques occidentales, pour condenser : performance, innovation et soin.
Cette approche franco-coréenne n’est pas seulement un mélange de techniques, c’est une philosophie de création, où chacune des racines de notre marque vient nourrir notre savoir-faire.
Rappoteuses : Sur quels critères avez-vous choisi vos premiers marchés à l’international ? Et comment équilibrer “localisation” et identité de marque globale ?
E.T. : Nos premiers marchés à l’international ont été sélectionnés selon deux critères essentiels : la maturité des consommateurs et consommatrices vis-à-vis de l’innovation beauté et la sensibilité aux produits premium qui allient soin et maquillage. Nous nous tournons naturellement vers les pays où la K-beauty et notre expertise franco-coréenne trouvent un écho : exigence de formulation, technologies innovantes, et recherche d’un résultat naturel.
Ensuite, l’équilibre entre localisation et identité globale est un point clé de notre stratégie. En tant que petite marque, nous nous adaptons d’abord dans le choix de nos partenaires revendeurs et dans notre communication locale, afin de garantir une vraie pertinence sur chaque marché, sans jamais modifier nos formules ni l’essence de nos produits.
Notre ADN reste inchangé : innovation coréenne, savoir-faire français et beauté inclusive. Notre vocation est de parler à toutes les beautés, tout en respectant les spécificités culturelles et les attentes de chaque marché.
Nous privilégions des collaborations authentiques, avec des profils qui
Elizabeth Trémosa
partagent notre engagement pour une beauté inclusive, tant en termes de teintes de peau que d’âges, respectueuse et bienveillante qui apprécient
vraiment nos produits.
Rappoteuses : Quelle place accordez-vous à l’éthique (ingrédients, sourcing, transparence) dans une industrie souvent attaquée pour son opacité ?
E.T. : L’éthique occupe une place centrale chez MI-RÊ Cosmetics. Nous avons conscience que la confiance de nos clients et clientes passe par la transparence et la responsabilité. Dans une industrie souvent critiquée pour son opacité, nous faisons le choix d’avancer avec honnêteté : des ingrédients sélectionnés pour leur efficacité réelle, leur sécurité et leur respect de la peau, un sourcing maîtrisé auprès de partenaires experts, et des formulations pensées pour être aussi performantes que bienveillantes.
Nous privilégions des actifs dont l’origine et les bénéfices sont clairement identifiés, et nous mettons un point d’honneur à communiquer de manière accessible, sans promesses démesurées ni complexité inutile. Notre ambition n’est pas d’être parfait, mais d’avancer avec transparence, exigence et amélioration continue.
Rappoteuses : Les réseaux sociaux et les influenceurs sont devenus incontournables : êtes-vous “à la merci” de cet écosystème, ou en contrôle stratégique ?
E.T. : Les réseaux sociaux et les influenceurs sont effectivement devenus des acteurs incontournables de la beauté. Mais chez Mi-Rê Cosmetics, nous ne nous plaçons pas « à la merci » de cet écosystème : nous l’utilisons comme un levier stratégique, aligné avec nos valeurs et notre vision. Nous privilégions des collaborations authentiques, avec des profils qui partagent notre engagement pour une beauté inclusive, tant en termes de teintes de peau que d’âges, respectueuse et bienveillante qui apprécient vraiment nos produits. Et parce que l’expertise compte, nous travaillons beaucoup avec des influenceurs qui sont également makeup artists, capables de tester nos formules avec un regard professionnel et de transmettre leurs résultats auprès de leurs communautés avec crédibilité et pédagogie. Nous collaborons avec des influenceurs femmes et hommes matures car je prône le “well aging” .
Ce n’est pas la portée d’un compte qui nous intéresse en premier : c’est la sincérité du discours, la maîtrise du produit et l’adéquation avec notre ADN. En tant que petite marque, nous savons que la visibilité passe aussi par ces relais d’opinion, mais nous veillons à rester maîtres de notre storytelling, de notre image et de nos choix.
Je suis ouverte à accueillir des investisseurs, partenaires pour soutenir
stratégiquement le développement de la marque, mais pour moi, il est
essentiel que toute collaboration protège notre indépendance créative, nos valeurs et la qualité de nos produits.
Rappoteuses : Votre plus gros échec, ou faux pas, jusqu’ici, et ce que vous en avez retiré, est-ce que vous êtes prête à en parler ?
E.T. : Mon plus gros échec c’était d’avoir eu un problème technique sur notre première production. Et je n’ai pas su insister auprès de mon ex associée que cela venait d’eux. On a dû récupérer tous les produits et refaire la production. Nous avons perdu plus de 6 mois. Et j’ai perdu le marché Suisse à cause de cela.
Rappoteuses : Dans 5 ans selon vous : MI-RÊ sera-t-elle absorbée par un grand groupe, ou restera-t-elle la “petite rébellion” qu’elle est aujourd’hui ?
E.T. : Dans 5 ans, je souhaite avant tout que MI-RÊ Cosmetics reste fidèle à son esprit de “petite rébellion”. Notre ADN entre innovation franco-coréenne Pro-Âge, beauté inclusive et soin-maquillage aux textures 0 matière, est ce qui nous rend uniques, et je tiens à ce que cela soit préservé coûte que coûte.
Je suis ouverte à accueillir des investisseurs, partenaires pour soutenir stratégiquement le développement de la marque, mais pour moi, il est essentiel que toute collaboration protège notre indépendance créative, nos valeurs et la qualité de nos produits.
Je fais tout pour que MI-RÊ reste cette petite marque audacieuse et agile, capable d’innover rapidement, de maintenir un lien authentique avec sa communauté et de continuer à challenger les standards de la beauté, tout en se développant de manière réfléchie et durable.
Rappoteuses : Si vous deviez donner un mot d’ordre à une entrepreneuse cosmétique en 2025, quel serait-il, et pourquoi ce mot ?
E.T. : Plus qu’un mot d’ordre je dirais un humble conseil aux entrepreneuses cosmétique en 2025, ce serait “audace et conviction” . L’audace de croire en son intuition, de prendre des risques, d’innover et de challenger les standards établis. Dans un marché aussi compétitif et exigeant que celui de la beauté, oser se démarquer tout en restant fidèle à ses valeurs est la clé pour créer une marque qui s’inscrit dans la durée.
L’audace, c’est aussi celle de défendre une vision inclusive, de proposer des produits qui allient performance et soin, et de construire une communauté authentique autour de sa marque. Sans audace, pas de progrès, pas de nouveauté et pas de place pour une vraie “rébellion” créative dans l’industrie. Mais aussi beaucoup de travail, d’écoute et de persévérance car supporter les hauts et le bas de l’entreprenariat est très difficile à gérer, cela peut être usant. On n’a pas tous la chance que cela marche très bien dès le début (pour nous cela a été long), ni la résistance nécessaire pour tenir.


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