La Baraque fait son grand retour dans le 11ème arrondissement de Paris. Le lieu a été retapé, repensé, regonflé à la fête. © La Baraque

La Baraque, revenir à la fête

Lise-Marie Ranner-Luxin
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Lise-Marie Ranner-Luxin
Directrice de la rédaction
Rédactrice en chef et fondatrice de Rapporteuses, Lise-Marie Ranner-Luxin allie vision éditoriale et plume affûtée. Passionnée par les histoires humaines, les tendances culturelles et l’actualité qui...
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Il y a des adresses qui ne vieillissent jamais vraiment : elles mues, elles se refont une beauté, elles changent de lustre, doré de préférence, mais gardent cette manière de vous cueillir comme un tube de Boney M surgissant d’un vieux walkman. La Baraque fait partie de ces lieux-là. Elle vient de rouvrir son « nouvel écrin », mais on pourrait tout aussi bien parler d’un retour de flamme, celle qui crépite quand Paris se souvient qu’elle sait encore faire la fête.

La salle rénovée est baroque chic, oui, mais sans la crispation premium qui gâche certains restos « concept ». Ici, on garde le muscle convivial bien chaud. Raffi Assadourian, le directeur, flotte de table en table comme un maître des cérémonies qui a écumé assez de nuits parisiennes pour savoir que rien n’est plus sérieux que la fête bien menée. Un œil sur le bar à cocktails (ne pas manquer : les classiques twistés façon Baraque), un autre au sous-sol, et surtout ce sourire de celui qui sait qu’il tient là une vraie maison de fête. Et il le prouve : le bar à cocktails flamboie, la salle respire, les tables se mélangent comme dans une scène de film italien.

À peine assise, le DJ dégaine tous les tubes de mon adolescence. Paris aussi, parfois, a de la mémoire.

Les cocktails : la douceur dangereuse

Les cocktails ? Traîtres, redoutables, délicieux. Le genre qui vous font dire « juste un dernier » en oubliant la notion même de dernier. Je me laisse séduire par un Porn Star Martini, doré, vanillé, passionné, un cocktail comme un clin d’œil. La petite verrine de prosecco à côté a la décence de ne pas se faire remarquer, mais elle sait très bien ce qu’elle fait. Mon invitée commande un Espresso Martini, et là le spectacle commence : le barman passe le café au percolateur, devant nous, avec un pschhh qui sent la nuit chaude. Il secoue le shaker comme s’il tenait l’avenir du 11e arrondissement entre ses mains. Résultat : une mousse dense, crémeuse, debout comme un col de chemise empesé. « C’est un dessert, ce truc », dit-elle. Spoiler : c’était surtout l’amorce des ennuis.

La Baraque, c’est plus qu’un restaurant ou un club : c’est une maison de fête, un lieu où l’on vient pour partager, s’amuser, se sentir bien.
Nous voulions lui redonner un nouveau souffle, tout en restant fidèles à ce qui la rend unique ». 

Raffi Assadourian, directeur de La Baraque

Raffi Assadourian, discret mais partout, sourire au coin, regard en alerte. « La Baraque, c’est une maison de fête », souffle-t-il. Et c’est vrai : on s’y sent invité, accueilli, enveloppé. Surtout, miracle dans cette capitale où un plat de pâtes coûte désormais l’équivalent d’un loyer : la carte est abordable. Généreuse. Pas snob. Pas punitive.

Le dîner, sans chichis mais avec talent

La cuisine, parlons-en. Une fusion généreuse, qui réchauffe l’humeur autant que le palais. Dans l’assiette, tout est fait pour que vous restiez assez longtemps pour avoir envie de danser ou l’inverse.

En entrée, je choisis un œuf parfait, coulant juste comme il faut, enveloppé dans une sauce aux champignons qui prenait le temps de me regarder avant de se laisser manger. Mon invitée, elle, attaque un tartare de dorade ultra-frais, tranché fin, relevé comme il faut, et croyez-moi elle est assez difficile.

En plat, j’ai plongé ma fourchette dans un risotto aux gambas, crémeux sans être lourd, généreux. Le genre de plat qui sent la maîtrise. En face, le magret de canard de mon invitée arrive rosé comme un lever de soleil, accompagné de pommes de terre fondantes qui feraient renoncer n’importe quel nutritionniste à la discipline. On a fait couler tout ça avec deux verres de côtes-du-rhône, rouge solide, franc.

Et parce que la vie est courte mais les cocktails traîtres, nous avons joué la carte de la sagesse : un moelleux au chocolat partagé, posé sur sa crème anglaise, tiède, voluptueux, l’ultime complicité de la soirée. Un dessert à deux, comme un aveu : j’ai plus 20 ans, mais je sais savourer. Ce dessert de consolations totales, savouré pile sur Carabeen Queen version disco, le genre de synchronisation que même le destin ne réussit pas toujours.

En sous-sol, le club se charge de finir le travail : hits des années 80–90, puis glissade vers les classiques de soirées plus récentes. À peine descendue, c’est un travelling arrière dans les années où l’on gardait des posters de Flashdance au-dessus du lit. Les premières notes de What a Feeling de Irene Cara font vibrer la salle, et mon adolescence me revient, intacte, comme un parfum qu’on croyait perdu.

C’est la fête dans ce sas temporel où collègues en afterwork, bandes d’amis, équipes en séminaire et fêtards du quartier déposent leurs heures sup’ au vestiaire. Même des inconnus deviennent des copains d’une nuit, et danse tout le monde danse comme si on avait encore vingt ans d’insouciance devant nous. « On était venus pour un anniversaire. On reste pour le club. On verra lundi pour les regrets. » dit un trentenaire en chemise ouverte, entre deux gorgées. « Je voulais juste dîner. Mais à quoi bon lutter contre Boney M ? » confesse une femme élégante, déjà en mouvement.

On comprend pourquoi le lieu est prisé des anniversaires, des dîners d’entreprise, des célébrations qui réclament plus qu’une table : une ambiance, un souffle, une promesse. La Baraque, c’est cette parenthèse où l’on ne vient pas « faire un repas », mais se suspendre un peu au-dessus du quotidien, dans une bulle dorée et funky. On trinque, on rit, on danse, on se croit de nouveau en 1997 en s’inventant un futur plus léger.

Le test final : souffler, c’est gagner

Raffi, malin, a donc installé une machine pour mesurer son taux d’alcool avant de repartir. Un alcotest version festive : on souffle dans un petit bâtonnet comme pour vérifier sa capacité pulmonaire, et la machine tranche froide mais juste.

Ce soir-là : « Moi je suis limite raisonnable », me dis-je avec l’arrogance de celle qui a alterné eau et cocktails. Mon invitée, elle, a explosé le compteur. « Oh merde… » a-t-elle lâché, les yeux ronds.
Raffi, zen : « Pas de panique, vous attendez un peu, vous reprenez un verre d’eau, on vérifie dans 20 minutes. Ici, personne ne reprend la route si ce n’est pas safe. » On respire. On rit. On relativise.
À La Baraque, même la sécurité a une ambiance.

La Baraque, c’est ça : un lieu où Paris se rappelle qu’elle peut être tendre, drôle, bordélique, festive et humaine. Une maison de fête, oui. Dans un quartier qui en avait besoin. Et moi aussi.

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Crédits photos : La Baraque

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Rédactrice en chef et fondatrice de Rapporteuses, Lise-Marie Ranner-Luxin allie vision éditoriale et plume affûtée. Passionnée par les histoires humaines, les tendances culturelles et l’actualité qui fait débat, elle supervise la ligne éditoriale et guide l’équipe avec exigence et créativité. Journaliste expérimentée, elle sait capter les détails qui font vivre un récit et mettre en lumière des voix parfois oubliées, tout en cultivant un regard critique et engagé sur le monde qui l’entoure.
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