Amélie Jabban directrice Alexandre.J, revendique un savoir-faire dans l'artisanat d'art qui fait la valeur ajoutée de la marque. © Rania Guellil

L’énigme Alexandre.J

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Rédaction Rapporteuses
Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux...
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Chez Alexandre.J, le parfum n’est pas un simple flacon capricieux posé sur une coiffeuse : c’est un étendard façonné à la main, un objet d’art qui revendique son héritage comme on défend une lignée. Sweet Enigma, dernier-né de la collection Art Nouveau, a d’abord fait son entrée chez Harrods, avant de glisser discrètement, mais sûrement dans les adresses parisiennes les plus sélectives.


À 375 €, la promesse est claire : offrir une émotion ciselée, un geste de luxe revendiqué à contre-courant de la standardisation qui grignote l’industrie. À l’heure où la parfumerie de niche devient un terrain de chasse pour les grands groupes, Amélie Jabban, directrice des parfums Alexandre.J, défend un autre tempo : celui de l’artisanat, du geste juste, et d’une clientèle, souvent féminine, qui veut du sens autant que du sillage. Rencontre.

Sweet Enigma – Eau De Parfum – 100 mL 375 euros © Rania Guellil

Rapporteuses : Lancer Sweet Enigma à 375 € en pleine frénésie de “parfums signature”, c’est quoi le message : défendre le vrai luxe ou remettre un peu d’exigence dans un marché saturé ?

Amélie Jabban : Le marché de la parfumerie de niche est aujourd’hui saturé, avec beaucoup de propositions qui ne relèvent plus vraiment de la niche. Le prix de Sweet Enigma se justifie par la rareté des matières premières, la qualité du jus et un packaging qui mobilise des matériaux précieux et coûteux. Nous défendons un luxe exigeant : l’exigence a un prix, et nous l’assumons pleinement. C’est ce qui distingue une maison authentique d’une simple marque qui surfe sur une tendance.

Rapporteuses : Vous revendiquez un artisanat rare, jusque dans les flacons peints à la main. Comment on protège ce savoir-faire quand le business pousse naturellement à accélérer ?

A.J. : Nous revendiquons un véritable artisanat d’art. Peu d’acteurs ont accès aux moyens de production que nous maîtrisons, et cela fait partie de notre force. Protéger ce savoir-faire, c’est accepter que la rareté demande du temps : accès aux artisans, maîtrise des techniques, respect des processus. Nous avançons avec cette lenteur nécessaire, même si le marché pousse à accélérer. C’est non négociable.

Rapporteuses : Harrods d’abord, Paris ensuite : est-ce une stratégie d’aura internationale ou une manière de tester la désirabilité avant la France ?

A.J. : Nous avons commencé la distribution à l’international avant même la France. Le paradoxe est là : alors que la France est considérée comme le pays du parfum, elle a été l’un des derniers marchés réellement prêts pour la niche. Les marques prédominantes telles que Chanel, Dior ou Guerlain ont été créées dans l’esprit des Français, et leur identité française a fidélisé le public pendant des décennies. L’idée de changer de parfum n’était pas dans les habitudes des Français, très attachés à cette identité nationale. Harrods s’est imposé naturellement, puis Paris est venu ensuite. Ce n’était pas un test, mais une réalité de marché qui reflète à la fois la fidélité à l’existant et l’ouverture progressive à de nouvelles propositions.

Rapporteuses : Le public français, surtout les femmes, est de plus en plus expert. Sweet Enigma leur parle comment ?

A.J. : Le public français est très connaisseur et se tourne vers des propositions alternatives. Sweet Enigma répond à la tendance des parfums gourmands, tout en apportant de la douceur dans une période d’incertitude profonde. Il s’adresse aux femmes qui cherchent du réconfort sans renoncer à leur mystère, à leur authenticité et à leur féminité.

Rapporteuses : Votre maison puise dans l’Art Nouveau : pourquoi cet imaginaire séduit-il autant aujourd’hui, à l’heure du minimalisme et des packagings épurés ?

Nous revendiquons un véritable artisanat d’art. Peu d’acteurs ont accès aux moyens de production que nous maîtrisons, et cela fait partie de notre force.

Amélie Jabban

A.J. : L’Art nouveau a plus de 125 ans, mais il est plus tendance que jamais. Ses formes organiques, ses motifs floraux, son lien avec la nature résonnent profondément aujourd’hui. Nous sommes dans une époque où le vrai, le retour à l’essentiel et l’authenticité comptent. Le minimalisme n’est présent que dans certains domaines ; dans beaucoup d’autres, l’Art nouveau revient en force, notamment dans l’architecture et la décoration. C’est un mouvement qui parle à notre époque.

Rapporteuses : La parfumerie de niche est devenue un refuge pour consommatrices exigeantes qui fuient le mainstream. Comment Alexandre.J préserve son identité sans tomber dans la niche de masse ?

A.J. : La frontière entre mass market et niche est devenue très fine : pour survivre, même la niche doit augmenter ses volumes. Pour préserver notre identité, nous choisissons une présence uniquement dans des points de vente capables d’offrir une véritable expérience. Nous restons dans des magasins d’envergure, qui valorisent notre univers et notre rareté. C’est notre manière de maintenir notre singularité sans céder à la production de masse.

Rapporteuses : Le prix, l’artisanat, la rareté : où se situe l’équilibre entre désir, accessibilité et réalité économique ?

A.J. : Au début de notre aventure, nous voulions démocratiser la niche tout en gardant des collections extrêmement précieuses. Aujourd’hui, nous restons fidèles à cette idée : travailler des packagings exigeants, une communication confidentielle, mais proposer aussi des gammes plus accessibles, comme la collection Collector qui reviendra l’année prochaine. L’équilibre est là : rester désirables sans devenir inaccessibles.

Rapporteuses : Vous êtes présente dans plus de 90 pays. Comment garder un discours cohérent alors que les attentes des clientes oscillent entre ultra-luxe, durabilité et authenticité ?

A.J. : Notre cohérence repose sur les histoires que nous racontons. Nous vivons dans une époque où la fidélité n’existe presque plus, mais le désir de découvertes est immense. Notre discours s’adapte sans jamais dévier de notre ADN : révéler, inspirer, répondre aux besoins, tout en restant accessibles et profondément authentiques.

Pour préserver notre identité, nous choisissons une présence uniquement dans des points de vente capables d’offrir une véritable expérience.

Amélie Jabban

Rapporteuses : Sweet Enigma se présente comme une émotion encapsulée. À votre avis, quel besoin contemporain ce parfum vient-il combler ?

A.J. : Sweet Enigma répond au besoin de sécurité, de douceur et de féminité. Dans une époque où l’incertitude est omniprésente, il apporte une forme de réconfort, comme une protection subtile. Il permet aux femmes d’adoucir le quotidien sans perdre leur force ni leur mystère.

Rapporteuses : Et la suite : vous miserez davantage sur la rareté, ou sur une influence internationale qui s’assume pleinement ?

A.J. : Les deux. Votre question semble opposer ces notions, mais pour nous elles coexistent naturellement. Nous pouvons miser sur la rareté tout en assumant notre présence internationale. Il n’y a aucune contradiction. Comme les femmes, nous pouvons porter plusieurs casquettes et passer de l’une à l’autre avec fluidité.

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Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux coulisses des affaires, de la culture aux nouvelles tendances, elles parcourent la ville et le monde pour capter les histoires, les personnages et les mouvements qui font l’actualité. Toujours sur le terrain, elles mêlent rigueur journalistique et sens du récit, pour offrir aux lecteurs des portraits, enquêtes et chroniques à la fois informatifs et captivants.
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