Jeudi, dans une salle claire du centre de Paris, un parfum nouveau a flotté. Pas une senteur isolée, mais une brassée de voix, de flacons et de gestes précis : le collectif Korea Perfume Paris a débarqué. La rédaction y est allée comme on se glisse dans un club un peu secret, et on en est ressorti sonné par l’exigence, la minutie et la liberté que les Coréens appliquent désormais au parfum. Le collectif Korea Perfume Paris n’a pas seulement présenté onze maisons coréennes : il a donné le ton. Après avoir conquis la planète avec la K-Beauty, Séoul s’attaque désormais au territoire olfactif. Et deux noms ont particulièrement retenu l’attention : OHTOP et odt.®.
On connaissait déjà leur science du skincare : dix étapes, des couches de sérums et une obsession de la peau parfaite. La K-Beauty a retourné la planète, imposant une rigueur quasi monastique où la recherche scientifique s’entrelace avec des rituels séculaires. Voilà que cette même exigence glisse vers le parfum, un terrain longtemps laissé aux maisons occidentales.
Le collectif mené par Sarah Kyu-Young Pae et Roméo Oh a rassemblé onze jeunes maisons coréennes, toutes différentes, toutes affûtées. Certaines revisitent les traditions, d’autres expérimentent comme des DJs de l’olfactif, toutes refusent l’uniformité. On croise Barrio, qui joue la carte des formats nomades et de la légèreté pop. BienBiang, enraciné entre Hainan et Séoul, qui tisse ses parfums comme des brocarts ancestraux. BLNDR GRPHY, qui mélange cocktails et souvenirs visuels dans des jus hybrides. Enrobage, qui classe les personnalités en couleurs olfactives. Plus loin, Mimicri, maison poétique qui traque « l’instant avant la création », ou encore Pesade, qui construit ses chapitres parfumés comme des symphonies intimes.
Ce qui frappe : le sérieux artisanal derrière ces univers. Rien d’amateur ni de bricolé. Les Coréens travaillent avec des parfumeurs confirmés, Bertrand Duchaufour, Emilie Coppermann, Sidonie Lancesseur, pour ne citer qu’eux, mais en injectant une fraîcheur et une audace qui bousculent les codes. Un parfum conçu comme un vêtement invisible (OHTOP), une vanille traitée comme un cocktail (BLNDRGRPHY), une rose assumée et détestée à la fois (I Hate Rose d’OHTOP encore).
Au milieu des onze maisons invitées, deux noms attirent les nez comme des aimants : OHTOP et odt.®.


OHTOP, c’est l’univers de Roméo Oh, créateur coréen installé à Paris depuis les années 90. Plus de vingt-cinq ans à révéler les autres avant de s’autoriser à écrire sa propre partition. Aujourd’hui, il traite le parfum comme un vêtement invisible, une pièce de mode à enfiler comme une veste ou une paire de boots. Sa collection Arty joue la carte du style olfactif : OKTÓ, parfum d’abondance tissé de graines et d’iris ; Half Moon, comptine d’enfance transposée en fragrance gourmande ; ou encore Air Oud, un oud aérien, sans brutalité, presque caressant. Le tout pensé comme une garde-robe, exigeante et libre, où l’élégance parisienne dialogue avec les racines coréennes. La rédaction a craqué pour sa dernière création, Musk d’Hiver avec ses notes de menthe, poivre rose, de muscs, et de fève tonka.
À ses côtés, odt.® Parfums revendique l’oddity, la différence assumée. Pas de codes figés ni d’étiquettes de genre, mais une parfumerie inclusive et contemporaine. Là où OHTOP croise couture et fragrance, ODT pousse le curseur vers la revendication. “Promise”, floral lumineux de Nathalie Lorson, évoque un matin clair. “Crush”, signé Emilie Coppermann, vibre de fruits rouges et de muscs modernes. “Ember”, composé par Maurice Roucel, joue des épices et des bois précieux comme un feu qui couve sous la peau. Une esthétique minimaliste, presque graphique, qui laisse place au vécu de celui qui porte le parfum.
Chez l’un comme chez l’autre, on retrouve ce qui fait la force coréenne : la précision, l’obsession du détail, la rigueur artisanale héritée des cosmétiques. Mais avec, en prime, une liberté créative qui tranche avec la retenue passée. Les Coréens, longtemps discrets par politesse olfactive, n’hésitent plus à affirmer leur singularité. Et Paris, hier, a senti le basculement : après la K-Beauty, voici venue l’heure de la K-Perfume.
Jeudi 25 septembre à Paris, ce fut plus qu’une présentation : une déclaration d’existence. Après la K-Beauty, voici la K-Perfume. Longtemps restés discrets par politesse olfactive, l’idée qu’un parfum fort empiète sur l’intimité d’autrui, les Coréens affirment désormais leur singularité. Et quand ils décident de s’y mettre, ils ne font pas semblant : précision, créativité, exigence.
La rédaction est sortie un peu étourdie. Pas seulement par les sillages persistants, mais par cette impression d’assister à un moment charnière. Après la K-Beauty, la K-Perfume. Et Paris, hier, avait déjà commencé à respirer coréen.
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Crédits photos Korea Perfume Paris