Washington songe à scruter cinq ans d’activité numérique avant d’accorder une simple autorisation ESTA. Une trouvaille techno-paranoïaque qui affole déjà les voyageurs, menace la saison touristique et transforme le rêve américain en contrôle au faciès digital. Dorénavant, il va peut-être falloir passer en revue vos tweets de 2021, effacer cette vieille photo de vous déguisé en Donald Trump pour Halloween, se demander si liker un post pro-Palestine ou pro-Ukraine peut valoir un refus, voire renoncer à l’idée même de traverser l’Atlantique. Récit d’un virage sécuritaire qui sent le vieux parfum de Big Brother.
À l’heure où la saison des voyages bat son plein et à moins d’un an de la Coupe du monde de football 2026, cette nouvelle réglementation projetée par l’administration américaine pourrait changer radicalement la manière dont des millions de touristes préparent leur voyage vers les États-Unis.
Welcome to the United States of Scrutiny
Selon un avis publié le 10 décembre dans le Federal Register, le journal officiel américain, les voyageurs provenant environ de 42 pays bénéficiant du programme d’exemption de visa (Visa Waiver Program), dont la France, pourraient bientôt être contraints de fournir jusqu’à cinq ans de leur historique sur les réseaux sociaux pour obtenir l’autorisation de séjour électronique connue sous le sigle ESTA. Le texte sera appliqué d’ici à soixante jours sauf contestation en justice.
Cette annonce glissée dans le Federal Register a immédiatement mis le feu aux poudres, les touristes étrangers sont paniqués à l’idées de vérifier, voire supprimer les @, les posts, les likes, peut-être même les casseroles numériques que la plupart trainent, depuis l’époque bénie où Facebook servait encore à taguer des soirées ratées.
ESTA, l’autorisation qui voulait rester simple
Jusqu’ici, pour entrer aux States via le Visa Waiver Program, il suffisait d’un passeport biométrique, de 40 dollars et d’un formulaire ESTA rempli en dix minutes. L’ESTA (Electronic System for Travel Authorization) est un système électronique par lequel les citoyens de certains pays peuvent obtenir l’autorisation de se rendre aux États-Unis sans visa traditionnel pour des séjours jusqu’à 90 jours. Cette procédure évite notamment de passer par une ambassade ou un consulat pour un visa formel.
Avec la proposition actuelle, l’autorisation de voyager pourrait inclure, au même titre que le passeport ou les données biométriques, un examen détaillé de vos profils et activités sur les réseaux sociaux couvrant plusieurs années.
Voyageurs déboussolés
Cette proposition, si elle est adoptée telle quelle, provoque déjà une onde de choc chez les voyageurs : « Cela me fait réfléchir à deux fois avant de réserver donner cinq ans de Facebook et Instagram… je me demande si ça en vaut vraiment la peine » confie Marie, Française vivant à Paris qui envisageait un road-trip en Californie l’été prochain.
Un autre témoignage d’un Australien rapporté par The Guardian est sans équivoque : « Je préfère aller au Canada ou au Mexique plutôt que d’ouvrir mes réseaux sociaux au gouvernement américain. C’est trop intrusif ». Pour certains amateurs de sport, comme le relate le site Axios, l’impact est réel : avec la Coupe du monde 2026 en ligne de mire, des supporters étrangers pourraient renoncer à assister à des matchs ou à visiter des villes américaines si ces contraintes ne sont pas clarifiées ou assouplies.
Dans l’industrie du tourisme, toujours relayé par Axios, la situation est également préoccupante. Les acteurs du secteur alertent : des contrôles trop intrusifs risquent de dissuader les touristes internationaux, déjà échaudés par d’autres restrictions, et d’aggraver le recul des arrivées observé en 2025. À Paris, Marie, 32 ans, qui avait prévu un road-trip le long de la Highway 1 continue : « J’ai commencé à scroller mon Insta. J’ai repéré deux posts un peu militants… Je me suis dit que je vais peut-être viser l’Espagne, au final. »
Big Brother, version Wi-Fi
Que cherche Washington ? Selon le site OANN l’administration américaine présente ce changement comme une mesure de sécurité renforcée, destinée à détecter des menaces avant même l’arrivée sur le sol américain. Les autorités évoquent la prévention du terrorisme, de la criminalité et d’autres risques en amont des frontières. Voilà pour la version officielle. Officieusement, beaucoup y voient une extension tentaculaire du contrôle sécuritaire, une sorte de visa psychologique par procuration. Les critiques estiment que la mesure va trop loin et s’apparente à une surveillance généralisée des citoyens ordinaires, et qu’elle mettrait en péril les libertés d’expression et la protection de la vie privée pour des simples touristes. Toujours selon Axios, cette nouvelle norme pourrait même nuire à l’image internationale des États-Unis comme destination.
À cela s’ajoutent des interrogations légitimes : que se passe-t-il si certains contenus sont privés ? Comment seront utilisées ces données ? Les textes proposés ne précisent pas clairement ces points sensibles. Et puis qui va analyser ces millions de comptes ? Un algorithme capricieux ? Un fonctionnaire débordé ? Un agent en stage ? Et selon quels critères ?
Un effet domino pour les voyageurs ?
Au-delà de l’enjeu diplomatique, cette réforme risque d’avoir un impact tangible sur la manière dont nous préparons nos voyages. Dans un futur proche il faudra peut-être nettoyer ou modifier nos profils sociaux avant de demander une autorisation. Les plans de voyage spontanés, déjà fréquents avec l’ESTA, comme l’indique euronews pourraient être contraints de délais supplémentaires. Certains préféreront reporter ou annuler leurs séjours vers d’autres destinations plus simples d’accès. Et le rêve américain quant à lui, pas sûr qu’il survive longtemps à l’ère du soupçon numérique.
Sources :


