Le dîner en famille en voie de disparition. C’était le dernier bastion, le repas du soir, ce rendez-vous immuable où l’on refaisait la journée, où les assiettes circulaient avec les histoires. Un rituel en voie de disparition : selon une enquête OpinionWay pour HelloFresh, un Français sur trois reconnaît passer moins de temps à table qu’il y a dix ans.
Aujourd’hui, le dîner familial se vit comme un sprint. Un quart des foyers plient la nappe en moins de trente minutes. La moyenne plafonne à quarante minutes, loin des quarante-sept idéales que les sondés imaginent encore. Et la moitié des familles avoue dîner en décalé au moins une fois par semaine, chacun dans son coin, parfois devant un écran. La grande tablée du soir ? Une carte postale jaunie.
La logistique avant le plaisir
Les chiffres racontent une société chronométrée : 41 % des parents rentrent trop tard du boulot, 16 % coincés par les devoirs, 14 % par les activités extrascolaires. Résultat : on dîne plus tard (20h15 en moyenne) et plus vite. Les moins de 40 ans traînent encore un peu plus (20h26), quand les quadragénaires résistent autour de 20 heures pile.
Et puis il y a la charge mentale, ce mot qui a fini par s’inviter jusque dans la cuisine. Seuls 22 % des parents savent vraiment ce qu’ils vont préparer. Les autres improvisent (54 %), en mode dernier métro pour le frigo. La transmission des recettes de grand-mère se dilue dans les courses express et les applis de livraison.
Voix de table
« Chez moi, c’est devenu un casse-tête. Entre mon boulot qui finit tard et les devoirs des enfants, on se retrouve à table à 20h45, parfois 21h. Le dîner, c’est plié en 25 minutes. » Sophie, 42 ans, deux enfants
« Moi j’avoue : souvent je mange devant Netflix. Ma mère râle, mais quand j’ai sport jusqu’à 20h30, je n’ai pas envie de discuter, je veux juste souffler. » Yanis, 17 ans, lycéen
« Le dimanche, on prend le temps. Mais la semaine, c’est chacun son plateau, chacun son horaire. Ça me manque, mais c’est comme ça. » Jean-Marc, 56 ans, technicien
Chaque minute compte
Derrière ces quinze minutes perdues se joue plus qu’un calendrier : une culture. Des chercheurs l’assurent : cinq minutes de plus à table augmentent les chances que les enfants adoptent de bonnes habitudes alimentaires. Les conversations autour d’un plat de pâtes enrichiraient le vocabulaire sept fois plus qu’un bouquin lu à voix haute. Et l’étude de l’University College London rappelle que partager un repas booste autant le bien-être qu’un revenu supplémentaire.
Le dîner, nouvel indicateur social

Aux États-Unis, 26 % des adultes mangent désormais tous leurs repas seuls. En France, on n’en est pas là. Mais l’érosion est là, lente et têtue. Moins de repas partagés, moins de récits, moins de mémoire commune. Comme si, dans la grande mécanique de nos vies modernes, on avait rogné sur ce qui tenait les familles ensemble.
Les experts proposent leurs « six tips » pour sauver le dîner, mais le problème n’est pas que culinaire. Il est politique, social, culturel. La table n’est plus sacrée. Elle est devenue un champ de bataille entre horaires, fatigue et solitude.
Et si le vrai luxe aujourd’hui, ce n’était pas de dîner tôt, mais simplement d’avoir le temps de dîner ensemble ?
Sources :
Étude réalisée online du 30 juillet au 6 août 2025 par l’institut OpinionWay pour HelloFresh auprès d’un échantillon de 1 014 parents d’enfants âgés de 7 à 16 ans (représentatif de la population française des parents d’enfants âgés de 7 à 16 ans).
Snow, C. E., & Beals, D. E. (2006). Mealtime talk that supports literacy development. Child Development, 77(5), 1326–1337. https://doi.org/10.1002/cd.155
University College London (2025, March). Sharing mealtimes with others linked to better wellbeing. UCL News.
https://www.ucl.ac.uk/news/2025/mar/sharing-mealtimes-others-linked-better-wellbeing
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