Exit les abdos huilés d’Abercrombie. Quatre ans que le portail doré du 23, avenue des Champs-Élysées, restait fermé. Vendredi 5 septembre, RH a planté son vaisseau amiral à Paris, sur une mise en scène à l’américaine : tapis beige, haies taillées au cordeau et discours en mode blockbuster. RH pour Restoration Hardware, la marque californienne de mobilier XXL et de design clinquant, débarque sur les Champs, prête à séduire les Parisiens… ou à les faire fuir.
Après Londres, Madrid, Munich et Bruxelles, RH pose son drapeau sur la plus célèbre avenue du monde. Pas un magasin, non : un décor, une liturgie. Du mobilier haut de gamme ? Oui. Mais surtout du storytelling XXL, calibré pour faire oublier qu’on est là pour acheter un canapé. On n’ouvre plus des boutiques, on « coupe des rubans » façon tapis rouge. Des stars en renfort, Catherine Deneuve, Zoe Saldana, Ellen DeGeneres, Theo James… On déambule comme au musée, sauf qu’ici les œuvres se vendent au mètre carré.
Gary Friedman, gourou en costard noir, a sorti la punchline de rigueur devant la façade haussmannienne : « Notre œuvre la plus aboutie. » Le ton est donné. RH ne se contente pas de vendre des canapés hors de prix : elle fabrique des décors. Dedans, c’est Disneyland pour milliardaires : ascenseur en verre, atrium monumental, escalier flottant et bibliothèque avec un Vitruve de 1521 sous vitrine. Tout est là pour rappeler que le meuble peut se vivre comme une religion.


Dans les étages, les pièces s’alignent comme dans un film de Sofia Coppola : des lits à prix stratosphériques pour milliardaires insomniaques, des canapés molletonnés pour salons de 200 m² minimum et, entre deux fauteuils king size, une cariatide en bronze histoire de donner un vernis culturel à l’affaire, et rappeler que Paris reste capitale de l’art avant d’être celle du commerce.
Et parce qu’on ne meuble pas le ventre vide, cerise sur le dôme, RH a collé deux restos designés comme des chapelles : Le Jardin et Le Petit jouent les annexes de palace. Vue Tour Eiffel sur le rooftop, 7 000 polyèdres de verre soufflé au plafond, pour nous en mettre plein la vue.
Marc-Antoine Jamet, président du Comité Champs-Élysées, s’extasie : « Pas une simple ouverture, un manifeste. » La stratégie est claire : occuper le terrain, installer la marque au milieu de la mythologie parisienne.
L’avenue n’est plus seulement un temple du shopping, mais un parc d’attractions où les Champs ressemblent de plus en plus à une vitrine géante où l’on vient flâner sans rien toucher. Le pari, dit Jamet, c’est le « retour des Parisiens ». On attend de voir.
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