Aristotache

Lise-Marie Ranner-Luxin
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Lise-Marie Ranner-Luxin
Directrice de la rédaction
Fondatrice du site, Lise-Marie aime la culture et sa ville Paris. Elle a travaillé dans la presse magazine féminine et informatique ainsi que dans la mode....
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Exit la particule, retour à la “case départ”. Emmanuel Taché, 50 ans, député RN des Bouches-du-Rhône, va devoir effacer fissa le blase « de La Pagerie » qu’il traîne depuis les années 90 comme un accessoire de mode. La justice lui a rappelé vendredi que les noms de l’Ancien Régime ne sont pas des gadgets marketing, surtout quand ils appartiennent à une vraie famille noble qui, elle, n’avait rien demandé. A trop vouloir Tascher le blason, ça finit toujours par faire tache.

Né à Montreuil en 1975, simple Taché à l’état civil, l’élu d’extrême droite avait flairé dès 1994 le potentiel blasonnant d’un patronyme découvert entre deux jobs dans la haute couture et l’audiovisuel. Exit la grisaille de banlieue, bonjour les ors imaginaires de la lignée Tascher de La Pagerie. Sauf que l’illusion a fini par tourner vinaigre : trois descendantes de la vraie dynastie, celle qui peut se targuer d’avoir donné Joséphine à Napoléon ont porté l’affaire devant les tribunaux. Petit rappel historique. Joséphine De Beauharnais, née Marie-Joseph-Rose Tascher de la Pagerie en 1763 en Martinique, fut l’épouse de Napoléon Bonaparte, celui-là même qui a rétabli l’esclavage en 1802. Quant à la famille De Beauharnais, elle possédait plus 115 esclaves, au temps béni pour certains nostalgiques, mais celle-ci a laissé un goût amer aux descendants d’esclaves martiniquais.

Et si les héritières Tascher de La Pagerie se montrent si sourcilleuses, ce n’est peut-être pas qu’une coquetterie d’aristocrates. Dans les Antilles, le nom reste associé à Joséphine, donc à l’esclavage. Autant dire que le sujet est explosif, et qu’il y avait de quoi refuser que leur patronyme se retrouve collé aux slogans de l’extrême droite.

Les juges dans une décision rendue vendredi 12 septembre, devant le tribunal de Lille, ont estimé qu’en raison «de la proximité visuelle et auditive» du nom de famille Taché avec Tascher, le nom «de La Pagerie» juste à côté de celui du député avait «pu causer une confusion auprès des tiers […] et créer un préjudice» aux requérantes. Le jugement est clair : Taché et Tascher ça brouille les pistes, il y a embrouille.

« De La Pagerie » n’est pas un bijou fantaisie qu’on accroche à son CV politique, mais un patronyme qui renvoie directement à une lignée historique. Verdict : interdiction immédiate d’utiliser ce nom, 200 euros d’astreinte par infraction, «à compter du mois suivant la signification du jugement», 5 000 balles de dommages et intérêts, et publication obligatoire de la sentence sur sa page Facebook pendant trois mois. Bim !

De quoi ramener le député RN à la dure réalité : la noblesse, ça ne s’invente pas. Et l’histoire, même celle des vieilles familles impériales, finit toujours par rattraper les imposteurs. Impossible maintenant de repeindre une particule sur un CV taché.

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Fondatrice du site, Lise-Marie aime la culture et sa ville Paris. Elle a travaillé dans la presse magazine féminine et informatique ainsi que dans la mode. Grande fan du New Yorker, Vogue et Harper’s Bazaar, c’est de ces prestigieuses revues qu’elle s’est inspirée pour créer Rapporteuses.com, des revues avant-gardistes qui ont contribué à l’émancipation des femmes, en matière de mode, de société, d’art et de littérature.
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