Dix ans, c’est l’âge où l’on arrête de jouer. Du 24 au 26 octobre, AKAA, Also Known As Africa, souffle ses bougies au Carreau du Temple. Pas un anniversaire mondain, mais une décennie d’art contemporain africain jetée en pleine figure du marché global. Dix ans que Paris, engoncée dans ses vieilles habitudes, se retrouve sommée d’écouter ce qui gronde du Cap à Cotonou.
Née en 2015 dans l’ombre des grandes foires, AKAA s’est imposée comme la seule vitrine hexagonale sérieuse pour l’art africain et ses diasporas. Pas une “édition hommage”, mais une décennie d’affirmation. Un réseau qui s’étend de Lagos à Los Angeles, des galeries de Pantin aux sables d’Abidjan. Et cette année, un nouveau chef d’orchestre : Sitor Senghor. Banquier reconverti en passeur de formes, héritier d’une dynastie culturelle, il promet d’injecter un peu de ferveur dans les allées trop polies des collectionneurs.
Résultat : collectionneurs, curateurs et badauds y défilent comme à une messe pop. Mais cette année, la messe prend des accents de manifeste.
Senghor 2.0 en chef d’orchestre
Nouvelle tête, nouvelle ligne. Sitor Senghor, banquier devenu curateur itinérant, prend la direction artistique. Un Senghor qui cite son illustre parent Léopold Sédar et s’imagine intercesseur entre mondes visibles et invisibles. L’Afrique comme matrice et comme futur : un discours lyrique, mais pas creux. Ses choix promettent de faire claquer les murs blancs.
Car oui, l’Afrique est l’avenir, et comme l’écrivait Senghor : L’émotion est nègre, la raison est hellène.
Sitor Senghor Directeur artistique
Céramiques, mémoires et résistances
Côté expos, “Terre Mère” redonne ses lettres de noblesse à la céramique africaine contemporaine, trop longtemps reléguée au rang d’artisanat. Des artistes qui façonnent la terre pour parler mémoire coloniale, écologie ou identité. Autre claque : “Maîtriser”, où des figures déjà installées rappellent que l’exigence se fout des tendances du marché.
Mouangue sous verrière
Au centre, une installation monumentale de Serge Mouangue. L’artiste camerounais, exilé au Japon, marie kimonos et wax, rites ancestraux et gestes contemporains. Sous la verrière du Carreau, sa création immersive promet silence et vertige.
Le grand barnum des galeries
La foire aligne une cinquantaine de galeries venues de tous les fuseaux : de Dakar à Los Angeles, de Genève à Johannesburg. On y croise Seyni Awa Camara, reine de la céramique sénégalaise, Kim Dacres (États-Unis), ou encore Joël Andrianomearisoa (Madagascar). Les Antilles ne sont pas oubliées avec La Maison Gaston qui débarque de Guadeloupe et Martinique.



Prix et partenaires, histoire en marche
La Fondazione Ettore e Ines Fico profite de l’événement pour lancer son prix dédié aux artistes africains émergents. Le Prix ellipse, lui, fait escale au Ghana et sacre Emmanuel Aggrey Tieku, ingénieur-artiste qui recycle les vêtements de seconde main pour dénoncer la fast fashion mondialisée. Ajoutez l’Institut français du Gabon, Présence Africaine toujours au poste, et le tableau se complète : AKAA se vit aussi comme plateforme intellectuelle.
Et après ?
Dix ans d’existence, c’est déjà beaucoup dans le petit monde des foires. Mais à l’heure où le marché international fatigue, AKAA joue la carte de la vitalité et de la résistance. Paris ne peut plus faire semblant d’ignorer ses scènes africaines. Dix ans après, le pari est gagné : Reste à savoir si, dans la capitale des vanités, cette décennie marquera une vraie redistribution des cartes ou juste un vernis supplémentaire sur les murs blancs des galeries.
Peu importe. Le Carreau du Temple sera plein, les œuvres claqueront, et les regards devront suivre.
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