Sanae Takaichi, à la tête du gouvernement de l’archipel marque le retour d’une ligne suivie autrefois par Shinzo Abe. Elle a fait une coalition avec le parti ultraconservateur Ishin, en s’assurant du soutien du parti d’extrême droite Sanseito. © Compte Instagram de Sanae Takaichi

Sanae Takaichi met le Japon au garde-à-vous

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Elle est entrée dans l’histoire, le 21 octobre 2025. Sanae Takaichi est devenue la première femme à accéder à la fonction de Premier ministre du Japon. Mais attention : derrière cette « first » historique, ce n’est pas la douceur progressiste qui pointe, mais bien une autoroute vers la droite dure. Sanae Takaichi n’est pas venue pour plaire, mais pour gouverner. Et tant pis si l’Histoire se répète.

Sanae Takaichi sourit peu, parle net, mais pense dur. En devenant la première femme Premier ministre du Japon, elle envoie un signal fort. Certains saluent l’événement comme une révolution, d’autres, plus lucides, y voient un virage serré vers un passé qu’on croyait rangé au musée des traditions. Et pour cause, la première dame de fer du Soleil-Levant, ne veut pas casser le plafond de verre, elle veut le redorer au katana.

Tokyo, le 21 octobre 2025. Dans la lumière clinique de la Diète japonaise, Sanae Takaichi s’avance, tailleur sombre, port droit, regard d’acier. La salle applaudit poliment, le pays retient son souffle. Pour la première fois, le Japon a une femme à sa tête. Et pour la première fois aussi, une femme qui promet un retour à l’ordre, à la morale, à la virilité nationale.

Née en 1961 à Nara, diplômée de l’université de Kobe, la Dame de fer nipponne, débute comme assistante parlementaire, animatrice télé, puis entre au Parlement en 1993, avant de rejoindre le Parti Libéral Démocrate (LDP) quelques années plus tard. Peu à peu, elle forge son image de conservatrice convaincue : nationalisme assumé, défense accrue, femme forte plutôt que compromis.

Takaichi, c’est un roman japonais en plusieurs tomes : fille de Nara, autodidacte studieuse, devenue politicienne par conviction ou par revanche, à 64 ans, elle entre à la Maison du Pouvoir en brandissant deux totems : Shinzō Abe et Margaret Thatcher, ses idoles. Son modèle politique : gouverner sans ciller, parler sans trembler, trancher sans négocier.

Car si elle a brisé le plafond de verre, elle l’a fait avec une batte de baseball estampillée « droite dure ». Mariage gay ? Certainement pas. Nom de famille séparé ? Et puis quoi encore. Succession féminine sur le trône impérial ? Même pas en rêve. La modernité, oui, mais pas pour tout le monde.

L’accession de la nouvelle Première ministre, survient dans un bain de repositionnements : le LDP ne disposait plus solidement de sa coalition traditionnelle avec Komeito, ce qui l’a forcé à s’allier avec le parti ultraconservateur Ishin, et s’assurer du soutien du parti d’extrême droite Sanseito. Le signal est clair : moins de centre mou, plus d’ordre, plus de nationalisme, plus de re-militarisation.

Plusieurs défis l’attendent, car le moment est critique : inflation rampante, désenchantement électoral, vieillissement démographique rampante. Elle devra rassurer les alliés (États-Unis) et calmer les voisins (Chine, Corée du Sud), et composer avec une majorité fragile (coalition bancale) et un Japon qui n’a jamais autant été exposé aux vents contraires.

Ses partisans la surnomment déjà Onna Shōgun, “la femme général”, et ses opposants y voient plutôt la revanche du vieux Japon : celui des uniformes impeccables et des silences dangereux. Dans un pays où l’ordre social pèse plus que la liberté, elle incarne la rigueur rassurante, la force tranquille, mais sans tendresse. La Dame de fer nipponne prône aussi la révision de l’article 9 de la Constitution japonaise (qui limite les forces armées), et veut une armée « authentique » parce qu’elle considère que le Japon doit pouvoir « neutraliser les bases ennemies ».

Le Japon voulait une femme forte. Il a eu une dame de fer. Et comme souvent, le progrès s’est présenté avec le visage du passé, une femme dans un milieu masculin, qui dit vouloir plus de femmes… tout en défendant des positions traditionnelles sur la famille, le mariage, la succession impériale. Le vernis est neuf, mais le bois dessous reste le même : celui d’un nationalisme poli, prêt à briller sous les néons de Tokyo. C’est héritière de l’« Abenomics » (du nom de Shinzō Abe) mais en version plus nerveuse : gros investissements publics, secteurs stratégiques (puces, IA, biotech) nommés « crisis management investment », qui promet de relancer l’économie.

Le symbole reste fort, une femme à la tête d’un pays ultra-patriarcal, mais sans transformer le récit. Parce que la droite dure revient sous son jour japonais après des années de gestion plus ou moins modérée, et parce que l’Asie est en pleine redéfinition : guerre froide sino-américaine, défis démographiques, technologies disruptives, on comprend mieux pourquoi Tokyo veut ne plus être simple spectateur. Au fond, elle ressemble à son pays : discipliné, fatigué de douter, prêt à croire que l’autorité peut sauver la nation de la lente érosion démographique et du désordre global.

Sources :

Médiapart


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