Sous la coupole des Galeries Lafayette, Noël a des airs de rêve éveillé et des souvenirs d’enfance. Derrière les créatures étincelantes et les forêts sucrées de cette saison, il y a la main d’une illustratrice à l’univers foisonnant : Jeanne Detallante, l’enchanteuse graphique que les grandes maisons de luxe s’arrachent. Hier soir, quand Paris s’allumait, c’est aussi un peu le monde intérieur de Jeanne qui s’illumine.
Cette année, les vitrines des Galeries Lafayette ne racontent pas une histoire : elles la dessinent. Sous les néons et les guirlandes, les personnages de Jeanne Detallante ont pris vie, félins lunaires, enfants à plumes, sapins baroques et planètes de papier. L’artiste, connue pour ses collaborations avec Prada, Hermès ou Dior, a imaginé un Noël surréaliste, où l’imagination fait la loi.
Formée entre Paris et Milan, Detallante s’est fait un nom dans le petit cercle des illustrateurs de mode capables de marier la sensualité du trait à la rigueur du luxe. Chez elle, tout est mouvement, courbe, éclat. Des silhouettes allongées, des fleurs qui respirent, des couleurs qui semblent sorties d’un rêve tropical. Un art du détail et du merveilleux, hérité autant de Cocteau que des contes d’enfance.
Aux Galeries, elle transforme la façade en théâtre d’illusions : chaque fenêtre devient un tableau, chaque lumière une respiration. Pas besoin de carrosse ou de baguette magique, juste un crayon et une vision.
Une fabrique de merveilles



Jeanne Detallante a fouillé les archives du grand magasin, comme dans un grenier que l’on croyait oublié. Elle y a retrouvé un fil, elle a tiré. Papiers cadeaux années 20, pochettes seventies, carnets, estampilles, rubans défraîchis mais vivants encore. « C’était vertigineux », dit-elle. Il faut l’imaginer, penchée sur un siècle d’émotions empaquetées. Les vitrines ne sont plus des vitrines : ce sont des scènes. Le Banquet, grandeur rouge moiré ; le Bureau du Père Noël, où le vieux barbu devient maître d’atelier, designer compulsif, patron de la manufacture des rêves. Tout tourne, tout imprime, tout emballe.
Les lutins travaillent, oui, mais pas comme chez Coca-Cola. Ce sont des personnages à tête d’éléphant, un canard botté qui aurait échappé à La Fontaine, des créatures malicieuses. On sent le clin d’œil à la Maîtrise, cet atelier d’arts appliqués qui fit des Galeries Lafayette un laboratoire de modernité. 1925 n’est jamais loin. L’Art déco revient, mais peint à la main, avec l’irrévérence douce d’une enfant qui colorie en dehors des lignes.
Le sapin, cathédrale de lumière

Et puis il y a le sapin. Toujours le sapin. Il trône, entouré de 8 kilomètres de guirlandes LED, assez pour faire scintiller la nuit des sceptiques, des fatigués, de ceux qui trouvent que « tout fout le camp ». On pourrait ne venir que pour lui. On resterait quand même.
Seize mètres de hauteur, autant dire une cathédrale, une audace, un poumon. Il ne cherche pas à être un arbre. Il est un geste : celui de dire que la beauté peut être inutile, et que c’est précisément pour cela qu’on en a besoin. Il est ce « plus beau des cadeaux » dont parlent les vitrines. Il est ce qu’on déploie quand on veut lutter contre l’hiver.
Monter sur le toit pour voir le monde autrement

Puis, on monte, encore un escalier. On sort sur le toit, et une patinoire réapparaît. Oui une patinoire, suspendue entre ciel et ville, entre balcon et nuages. On glisse dans l’air glacé, la Tour Eiffel à portée de regard, comme un vieux poème qu’on avait oublié de relire. Les rires, le givre sur les joues, le rouge des mains sans gants. Paris redevient une carte postale qu’on n’a pas honte d’aimer.
La table, le sucre, la chaleur




Les bûches Lenôtre, Ladurée, Couvreur, Lignac se parent de noms de constellations gourmandes.
La Bûche Haussmann déroule sa vanille et sa cannelle comme une histoire qu’on raconte au coin du dîner.
Chez Lignac, les oursons guimauve attendent leur moment joyeux, candides, de simplicité. Mais c’est précisément ce qu’on cherche. Ce qui n’a pas besoin d’explication. Noël, c’est ça. Goûter ce qui ne sert à rien et qu’on attend pourtant toute l’année.
Et au milieu de cette effervescence, Jeanne a ravivé un patrimoine, non pas comme un musée, mais comme un souvenir qu’on remet dans les mains d’un enfant : « Tiens, regarde, ça t’appartient encore. »
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