Cinquante ans après sa mort et cent ans après son triomphe parisien, Joséphine Baker reprend vie au Hall de la Chanson. Du 26 septembre au 9 novembre, La Revue Arc-en-Ciel et l’exposition Vénus Noire la font ressurgir, insolente et plurielle. Une star, une militante, une icône queer qui, entre clichés exotiques et combat antifasciste, parle encore cruellement à notre époque.
La Madeleine, avril 1975. Des milliers de Parisiens pleurent Joséphine Baker. Cinquante ans plus tard, rideau rouge, lumière tamisée : elle ressuscite au Hall de la Chanson. Mais pas en statue de cire. La Revue Arc-en-Ciel la réinvente en puzzle électrique. Onze tableaux, onze éclats de vie, pour une Joséphine multiple, insaisissable, toujours en mouvement.
Ça démarre fort : ses obsèques, comme une entrée en matière. Puis retour en arrière, zigzags dans sa biographie. Saint-Louis et les émeutes raciales de son enfance. Paris, 1925, et la « danse sauvage » qui met le feu aux Champs-Élysées. Le château des Milandes et la « tribu arc-en-ciel », douze gosses adoptés aux quatre coins du globe pour inventer une fraternité planétaire. Le Stork Club de New York, où elle dénonce le racisme en plein cœur du glamour. La marche de Washington, où elle parle aux côtés de Martin Luther King. Ses amours avec hommes et femmes. Et, enfin, le chant du cygne à Bobino, quelques jours avant sa mort.
Chaque couleur du spectre devient un tableau. Rouge pour l’esclavage, indigo pour les colères politiques, vert pour l’exotisme réinventé, violet pour les amours multisexes, bleu pour la résistance. Pas une fresque historique, mais une mosaïque de sons, d’images et de corps. Le tout monté en mode arte povera : décors recyclés, vidéos bricolées, costumes chinés. Pas de strass hors de prix, mais une énergie brute. Joséphine revue et corrigée par une troupe de six interprètes qui se relaient pour l’incarner. Même les hommes prennent le relais, comme pour dire que Baker appartient à tous, et surtout à toutes les différences.
À côté de la scène, l’expo Vénus Noire joue le rôle de miroir déformant. Robert Combas, Zoulikha Bouabdellah, Vava Dudu ou Catel Muller revisitent Joséphine en bananes militantes, en guépard apprivoisé, en panthéonisée glamour. Treize artistes, quarante œuvres, et un parti pris : pas de portrait académique, mais un cabaret visuel, métaphores et détournements. Catel Muller la retrace en onze stations, QR codes à l’appui pour entendre sa voix et ses discours. Zoulikha Bouabdellah éclaire l’exotisme colonial d’une lumière grinçante. Combas lui colle des slogans bananiers, entre pop et politique.
Résultat : Baker surgit en mille morceaux, mais toujours incandescente. Femme noire, bisexuelle, résistante, mère adoptive, star mondiale, et désormais panthéonisée. En 2025, sa silhouette continue de déranger, d’émouvoir, de questionner. Dans un pays qui voit remonter les crispations identitaires, sa voix résonne encore : « Je ne vois pas les couleurs. »
Au Hall de la Villette, Joséphine n’est pas un souvenir. Elle est un écho vibrant, un avertissement, une fête.
Plus d’infos :
Vendredi 26 septembre à partir de 18h : vernissage de l’exposition Vénus Noire avec extraits du spectacle
Représentations : Jeudi 2 octobre à 20h – dimanche 5, 12, 19 octobre à 16h – dimanche 2 novembre à 16h samedi 8 novembre à 19h – dimanche 9 novembre à 16h