vendredi 21 novembre, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, un improbable pas de deux s'est joué : Donald Trump, celui qui a fait de la virulence politique son art de vivre, a tendu la main à Zohran Mamdani, ce jeune maire élu démocrate, et socialiste, prêt à transformer la mégapole. © J. Kamel

Comment Mamdani a retourné Trump : récit d’un flirt politique improbable

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Washington – New York. On croyait avoir tout vu et tout entendu, et bien on avait tort. Vendredi 21 novembre, Donald Trump, 79 ans, président-bulldozer, a déroulé le tapis rouge à Zohran Mamdani, 33 ans, nouveau maire socialiste de New York. Oui, socialiste. Le mot que Trump adore associer à une apocalypse urbaine ou à la fin du monde civilisé.

Pourtant, dans le Bureau ovale, les deux hommes se sont souri, écoutés, entendus. Et Trump, l’homme qui traitait Mamdani de « communiste dangereux », a soudain assuré vouloir « l’aider à construire un New York fort et très sûr ».

Il y a des volte-face qui font lever un sourcil. Celle-ci soulève carrément un sourcil collectif américain.

Quand Trump tombe sous le charme progressiste

Selon le Figaro et le Monde, la rencontre a viré à la bromance géopolitique. « Vous allez avoir un grand maire, nous allons l’aider, félicitations ! » Un Trump « séduit » par le jeune démocrate, un Mamdani mesuré, presque diplomate. Les conseillers n’en reviennent toujours pas : l’ex-tycoon, entouré de portraits de Franklin Roosevelt, symbole d’État-providence honni de la droite trumpiste, a salué le socialiste new-yorkais devant les caméras.

Mamdani, 33 ans, l’a joué soft power : calme, technique, sans posture. Un pragmatisme presque désarmant face à un président habitué aux antagonismes brutaux. Résultat : Trump l’écoute. Et semble même apprécier. « Nous avons une chose en commun : nous voulons que cette ville que nous aimons tant soit florissante », a dit Donald Trump. « Et je tiens à féliciter le maire. Il a vraiment mené une campagne incroyable contre beaucoup de gens habiles, dès les primaires, contre des adversaires très coriaces, très intelligents, et il les a battus haut la main…Ce qu’il a fait est incroyable ».

« Je pense qu’il va faire un très bon maire, plus il réussit, plus je suis heureux », a ajouté Trump, « nous allons l’aider à réaliser le rêve de tout le monde, celui d’avoir un New York  fort et très sûr. Félicitations, Monsieur le Maire ».

Un flirt qui effondre la maison MAGA

La journée n’a pas seulement été étrange. Elle a été explosive. Au moment même où Trump trouvait Mamdani « intelligent » et « prometteur », Marjorie Taylor Greene, la passionaria MAGA, claquait la porte du Congrès après avoir ouvertement critiqué la gestion de l’affaire Epstein par le président américain, avec une lettre digne d’un break-up toxique. « J’ai trop de respect pour moi-même et de dignité, j’aime beaucoup trop ma famille et je ne veux pas que ma précieuse circonscription subisse une primaire blessante et haineuse contre moi, de la part du président pour lequel nous nous sommes tous battus, uniquement pour être réélue, alors que les républicains perdront probablement les élections de mi-mandat », écrit l’élue de Géorgie qui accuse Trump d’avoir « abandonné le mouvement », d’avoir trahi « le vrai peuple ».

Pour les républicains, tendre la main à un socialiste new-yorkais, c’est l’équivalent politique d’un adultère. Et oui, Trump, l’homme de la droite dure, tombe sous le charme d’un élu progressiste qui veut plafonner les loyers, et Greene, sa plus bruyante alliée, le quitte en hurlant à la trahison. Aucun scénariste n’aurait imaginé une image pareille.

Mamdani, le socialiste qui fait danser les rapports de force

Faut-il y voir pour autant un triomphe pour Mamdani ? Le démocrate s’est longtemps heurté à l’aile modérée de son propre parti. Trop radical, trop « Queens insurgent », trop vocal sur le logement, la police, la redistribution. Mais désormais, le président lui déroule le tapis fédéral. Et dans l’Amérique post-polarisation, c’est presque un acte d’hérésie institutionnelle. Trump, qui promet de l’« aider », lui offre de fait un levier financier colossal, à condition que la lune de miel ne s’évapore pas en tweet rageur.

Zohran Mamdani, lui, reste prudent : il ne renie rien de ses positions sur l’immigration ou l’encadrement policier. « Merci, Monsieur le Président, je vous suis reconnaissant », lui a répondu le maire new yorkais, sur le même ton cordial « J’ai apprécié notre rencontre, ce fut une réunion productive, basée sur un lien d’admiration et d’amour partagés pour la ville de New York, et sur la nécessité d’offrir des logements abordables aux New-Yorkais, ces huit millions et demi de personnes qui la considèrent comme la leur et qui ont du mal à subvenir à leurs besoins dans la ville la plus riche du monde ».

C’est pourtant loin d’être une conversion amicale, mais du pragmatisme pur comme aime Donald Trump. La ville de New York brûle sous la fracture sociale, alors le nouveau maire prend l’eau où elle coule, et le président américain arrive en pompier.

Mais alors pourquoi Trump fait-il ça ? La question obsède Washington, et les hypothèses sont nombreuses. La première, c’est que le président dealmaker veut prouver qu’il peut parler à tout le monde. Trump adore se mettre en scène en patron suprême capable d’absorber ses ennemis. Deuxièmement, il ne s’en cache pas, il veut fracturer les démocrates. En valorisant Mamdani, il pousse les modérés à l’explosion de nerfs. Et renforce l’aile gauche, qu’il juge plus facile à caricaturer. Troisièmement, humilier le camp MAGA. Volontairement ou non, Donald Trump montre qu’il peut se passer de ses ultras. Greene a compris le message, et a frappé fort en claquant la porte.

Un pacte fragile, mais qui pourrait transformer New York

Selon les observateurs, la relation Mamdani–Trump tient du funambulisme. À gauche, les Démocrates redoutent un pacte avec le diable, à droite, les Républicains crient au feu rouge communiste, tandis que au centre, les plus modérés observent, interloqués.

Pourtant, dans l’interstice, un fait demeure : si Trump débloque l’argent fédéral comme il l’a promis, Mamdani pourrait réellement bouleverser New York. Loyers régulés, logements publics, transports revus, services sociaux renforcés, tout ce qu’il a porté durant sa campagne.

Mais dans la politique américaine, les idylles ne durent jamais. Le président des Etats-Unis nous a habitué a des volte-face mémorables, comme sont divorce d’avec Elon Musk. Le flirt pourrait vite tourner au vinaigre à la moindre pique, la moindre crise, la moindre soirée télévisée où Trump s’emporte.

En attendant, la scène est historique, un socialiste new-yorkais qui séduit un président populiste, une figure MAGA qui claque la porte, une ville en suspens qui espère, et une Amérique qui se frotte les yeux. Juste un vendredi, aux États-Unis. Et probablement l’ouverture d’un feuilleton politique que même les scénaristes de séries n’auraient pas osé.

Sources

Le Figaro

Le Monde

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Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux coulisses des affaires, de la culture aux nouvelles tendances, elles parcourent la ville et le monde pour capter les histoires, les personnages et les mouvements qui font l’actualité. Toujours sur le terrain, elles mêlent rigueur journalistique et sens du récit, pour offrir aux lecteurs des portraits, enquêtes et chroniques à la fois informatifs et captivants.
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