Gravé en lettres capitales depuis la Révolution, le fronton du Panthéon pourrait bien virer au neutre. Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation en sursis, a lancé mercredi une bombe lexicale : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », ça sent un peu trop la testostérone. Autant dire que le Panthéon, c’est encore l’ENA des cimetières. Alors Borne veut dépoussiérer la façade : pas pour repeindre les dorures, mais pour recoller l’histoire avec la moitié de l’humanité.
« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Gravé en lettres capitales depuis deux siècles, le fronton du Panthéon tremble sur ses bases. Élisabeth Borne, a lancé mercredi dernier l’idée d’un lifting lexical : dégenrer la devise. « Les petites filles ne voient pas la société reconnaître pleinement la place des femmes », plaide l’ex-Première ministre, devant micros et caméras. Traduction : Marie Curie, Geneviève de Gaulle, Simone Veil, Joséphine Baker… ne sont pas des figurantes, et l’histoire de France n’est pas qu’une affaire de moustaches et d’épaulettes.
Le Panthéon, temple républicain au destin fluctuant, église, mausolée, chapelle politique, a connu mille devises avant de se fixer, en 1885, au moment où Hugo rejoignait les catacombes nationales. Depuis, l’inscription est devenue intouchable, quasi sacrée. Jusqu’à ce mercredi 27 août, veille de rentrée scolaire, où Borne s’est offert une sortie féministe.
Plan « filles et maths », ouverture de filières scientifiques, 60 classes supplémentaires : la ministre tente de conjurer les stéréotypes. Et, en prime, secoue un symbole gravé dans la pierre.
Évidemment, ça coince, les machos de service ont hurlé. Laurent Jacobelli (RN) crie aux « âneries » sur RMC : « Alors que le niveau s’effondre et que les lycéens s’arment, elle n’a que ça à faire ? Et dégaine le mot magique : « wokisme ! » Même refrain chez Collard, Philippot et Marion Maréchal, qui renvoient Borne à ses « vacances » ou à son illégitimité. Philippot, lui, a ironiser sur le « patriarcal ».
Face au chœur des mâles outragés, quelques voix féministes rappellent que l’espace public ne s’arrête pas au Ve arrondissement, et que les plaques de rue, elles aussi, pourraient être revisitées.
Pendant ce temps, la ministre déroule son plan « Filles et maths », promet des classes de sciences à 50 % féminisées et rêve d’un monde où les gamines lèvent les yeux vers le dôme sans se dire que l’histoire appartient aux moustachus.
Mais derrière la polémique, une question qui gratte : est-ce qu’on change la société en changeant trois mots sur une façade ? Ou est-ce qu’on repeint juste les murs d’un vieux mausolée pour oublier que les vivants galèrent ?
En attendant, Hugo, Zola et Malraux continuent de roupiller sous la coupole. Et Borne, elle, tente un dernier baroud d’honneur avant la sortie : féminiser les morts pour sauver les vivants.
Moralité : le Panthéon restera figé encore quelques temps dans sa marbrure. Mais le débat est lancé : faudra-t-il vraiment dynamiter trois mots de 1791 pour que les petites filles d’aujourd’hui lèvent les yeux sans baisser les bras ?