IVG en hausse, IST en flèche : et si on sortait enfin le préservatif féminin de l’ombre ? Septembre aligne ses journées mondiales, santé sexuelle le 4, préservatif féminin le 16, contraception le 26. Mais le constat reste brutal : les Français·es boudent le préservatif, et plus encore sa version féminine. Invisible, mal prescrit, rarement en rayon, il reste l’angle mort des politiques de prévention.
Selon Terpan, spécialiste français de la santé sexuelle, les préservatifs internes n’ont représenté que 28 % des commandes en pharmacie et… 4 % des ventes réelles. Pourtant, depuis janvier 2024, ils sont gratuits pour les moins de 26 ans et remboursés à 60 % pour les autres sur ordonnance. Mais beaucoup de pharmaciens l’ignorent, et les femmes se retrouvent privées d’un outil d’indépendance pourtant aussi fiable que son homologue masculin.
Des chiffres qui piquent
Pendant que le préservatif disparaît des poches, les infections sexuellement transmissibles (IST) flambent. Entre 2014 et 2022, l’usage du préservatif lors du dernier rapport sexuel est passé de 70 % à 61 % chez les garçons et de 63 % à 57 % chez les filles. Résultat : en 2023, 17 % des nouvelles séropositivités concernaient des jeunes de moins de 25 ans. Et 79 % des jeunes exposés à une IST n’avaient pas utilisé de protection (83 % chez les femmes).
Le prix de ce désamour se lit aussi dans les grossesses non désirées : 243 623 IVG ont été pratiquées en 2023, en hausse de 8 600 par rapport à 2022. Le pic concerne les 25-29 ans, avec près de 30 IVG pour 1 000 femmes.
« Je voulais être actrice de ma protection »
Anaïs, 22 ans, étudiante à Lille, raconte avoir découvert le préservatif féminin par hasard, sur un stand associatif :
« J’en avais jamais vu en pharmacie. Quand j’ai demandé, on m’a dit qu’ils n’en commandaient pas, que ça ne se vendait pas. Pourtant, c’est hyper rassurant : je peux le mettre avant la soirée, et je n’ai plus à négocier avec mon partenaire. »
Même son de cloche chez Juliette, 28 ans, qui a dû insister auprès de sa gynéco :
« Elle ne savait même pas que c’était remboursé… J’ai dû lui montrer une capture d’écran. Ça prouve bien le manque d’info, même chez les pros. »
Psychologie : le stealthing, l’autre face sombre du préservatif masculin
Retirer son préservatif en douce, sans prévenir son ou sa partenaire, ça porte un nom : le stealthing. Une pratique qui, en France, touche une femme sur dix. Et contrairement au Canada, au Royaume-Uni ou à la Suisse, elle n’est pas encore reconnue par la loi comme une violence sexuelle spécifique.
Une étude australienne publiée dans Psychology & Sexuality met des mots glaçants sur les profils concernés : machiavélisme, narcissisme et psychopathie. Les chercheurs ont soumis 221 hommes à des scénarios de retrait non consenti du préservatif. Résultat : ceux qui s’excitaient à l’idée de tromper leur partenaire cumulaient des scores élevés sur la fameuse “Dark Triad”, ce trio de traits psychologiques problématiques. En clair : manipulateurs, égocentrés et dénués d’empathie.
Autant dire que le préservatif féminin, insérable plusieurs heures avant un rapport, devient plus qu’un outil de santé : un bouclier contre la prédation sexuelle.
Un outil d’émancipation
Discret, efficace, insérable jusqu’à huit heures avant le rapport, le préservatif interne permet aux femmes de ne plus dépendre du bon vouloir de leur partenaire. Dans une société où la charge contraceptive repose encore massivement sur elles, il offre un levier concret d’autonomie et d’égalité.
« Informer, prescrire, distribuer : voilà les trois leviers pour sortir le préservatif féminin de l’ombre », martèle Alexandra Guérin, responsable qualité chez Terpan.
« Aujourd’hui, le préservatif interne souffre d’un vrai manque de visibilité auprès du grand public. Beaucoup de professionnels de santé et notamment de pharmaciens ignorent encore qu’ils sont entièrement pris en charge pour les moins de 26 ans et, de fait, cette alternative n’est pas disponible en officines. Ce manque d’information prive les jeunes femmes d’un moyen de protection synonyme d’indépendance, sûr et efficace. » alerte Alexandra Guérin.
Pharmaciens, chaînon manquant
Premier point de contact avec la santé, les pharmacies restent le ventre mou du dispositif. Certaines campagnes locales montrent pourtant qu’une simple information claire booste aussitôt la demande.
Reste à transformer l’essai : car sans visibilité en rayon, sans relais par les pros, le préservatif féminin risque de rester ce grand oublié… au moment même où la jeunesse paie cash le prix de l’absence de protection.
Et si les pharmaciens ne se bougent pas, on finira par se demander ce qui est le plus introuvable en France : le préservatif féminin… ou la volonté politique de sortir enfin les femmes de l’ombre du latex masculin.
Sources :