Alexandra Guérin, responsable qualité chez Terpan. © Alexandra Guérin

Et si les femmes imposaient leur protection ?

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Rédaction Rapporteuses
Observatrices curieuses et infatigables, Rapporteuses racontent le monde qui les entoure avec un regard à la fois précis et espiègle. Du glamour des soirées parisiennes aux...
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Le 26 septembre marque la Journée mondiale de la contraception, l’occasion de rappeler que, face à la hausse des IST et des grossesses non désirées, l’information et l’accès aux moyens de protection restent essentiels. Si le préservatif masculin est entré dans les mœurs, son équivalent féminin reste encore largement méconnu en France. Gratuit pour les moins de 26 ans depuis 2024, il représente pourtant une alternative efficace et émancipatrice pour les femmes. Alexandra Guérin, responsable qualité chez Terpan, pionnier de la distribution de préservatifs féminins depuis 1999, nous éclaire sur les enjeux et les perspectives de ce dispositif encore trop discret.

Interview

Rapporteuses : La France connaît une hausse des IST et des IVG ces dernières années. Selon vous, qu’est-ce qui explique le manque de réflexe contraceptif chez les jeunes ?

Alexandra Guérin : La hausse des IST et des IVG est la conséquence de la baisse de l’utilisation du préservatif chez les moins de 25 ans. Plusieurs études avancent des chiffres similaires depuis 3 ans : l’utilisation du préservatif est passé de 70% en 2014 à 61% en 2022 chez les garçons et de 63 à 57% chez les filles (Rapport de l’OMS d’août 2024).

Cette baisse s’explique principalement par une méconnaissance des conséquences liées à l’absence de protection :

D’une part, plusieurs témoignages de jeunes indiquent que les IST font moins peur, ils ont entendu qu’on peut vivre avec le VIH et qu’on n’en meurt plus. Dans le dernier sondage OpinionWay pour Sidaction de mars 2025, 40% des 15-24 ans interrogés déclarent qu’il existe un vaccin pour empêcher la transmission du VIH et 39% pensent que l’on peut guérir du sida grâce à un médicament. Mais ils ne pensent pas à la lourdeur des traitements et aux effets graves sur la santé (effets secondaires, baisse des immunités, prise de poids, inflammations…).

D’autre part, nos retours d’expérience sur le terrain avancent d’autres raisons multiples : diminution du plaisir sexuel et de la sensibilité, oubli ou n’en ont pas sur eux, difficulté d’utilisation, refus du partenaire…

Rapporteuses : Le préservatif féminin reste encore méconnu en France. Quelles sont, selon vous, les principales raisons de cette méconnaissance ?

A.G. : Au début des années 1980, l’apparition du SIDA fait du préservatif le moyen le plus sûr pour lutter contre cette maladie. Son utilisation est alors largement relayée par des campagnes de prévention menées par les autorités publiques, des personnalités du spectacle, des associations.

Le préservatif féminin, quant à lui, a obtenu le marquage CE (obligatoire pour les dispositifs médicaux) en 1998 et Terpan en a proposé la distribution en France, en 1999. Il n’a pas bénéficié de campagnes de prévention similaire à son homologue masculin, les générations de l’époque ayant déjà été sensibilisées au VIH et au port du préservatif masculin.

Le grand public en a donc très peu entendu parler, et de nombreux professionnels de santé n’en ont pas non plus connaissance :

Certains pharmaciens ne savent toujours pas qu’il est lui aussi pris en charge à 100 % pour les moins de 26 ans ;

Et selon un sondage que nous avions réalisé avec le Planning familial en mai 2022, 85 % des femmes n’ont jamais testé le préservatif féminin.

Sa disponibilité reste également limitée dans les centres de santé et les cours d’éducation à la sexualité abordent davantage le préservatif masculin.

Il y a encore beaucoup d’idées reçues quant à la difficulté d’utilisation, les sensations…

Et dernier point : les préservatifs féminins sont aujourd’hui environ 10 fois plus chers que les préservatifs masculins car leur fabrication est plus coûteuse. Le différentiel est très important pour des populations, surtout jeunes, qui disposent de peu de moyens, ce qui renforce les inégalités d’accès à la santé. La prise en charge par l’assurance maladie de notre préservatif So Sexy & Smile permet de démocratiser l’accès à ce moyen de prévention.

Rapporteuses : Quels avantages spécifiques offre le préservatif féminin par rapport au préservatif masculin ?

A.G. : Contrairement à ce que l’on pense, les avantages du préservatif féminin sont nombreux :

Il est UNIVERSEL : il n’y a pas besoin de choisir une taille de préservatif, il convient à toutes les morphologies, pour toutes les pratiques (sa taille et sa solidité ont conduit certains couples homosexuels à l’utiliser pour les rapports anaux) ;

Il est CONFORTABLE : contrairement au préservatif externe, il ne serre pas le pénis ce qui limite les troubles de l’érection ;

Il permet d’être AUTONOME : il peut être inséré jusqu’à 8h avant un rapport ce qui n’interrompt pas l’acte sexuel et il ne nécessite pas d’érection préalable.

Il apporte de la SÉCURITÉ : il est tout aussi efficace que le préservatif externe, et plus résistant tout en étant aussi fin qu’un préservatif externe.

Rapporteuses : Depuis 2024, il est gratuit pour les moins de 26 ans et remboursé en partie pour les plus âgés. Voyez-vous déjà un impact de cette mesure sur son utilisation ?

A.G. : Selon nos données portant sur nos gammes de préservatifs féminins So Sexy & Smile® et masculins Sure & Smile® qui font partie du dispositif national de gratuité en pharmacie, les préservatifs féminins n’ont représenté que 28 % des produits commandés par les pharmaciens. Ce chiffre est à relativiser quand on compare à l’échelle des ventes globales de préservatifs de l’entreprise où la part chute à 4 %. Il est donc nécessaire de faire de la pédagogie sur ce dispositif.

Rapporteuses : Beaucoup considèrent encore que la responsabilité de la protection incombe aux hommes. En quoi le préservatif féminin peut-il redonner du pouvoir aux femmes dans leur vie sexuelle ?

A.G. : Il permet aux femmes de prendre en main leur santé sexuelle, dans une ère où le préservatif masculin est de moins en moins porté par ses usagers.

Les hommes sont encore trop souvent décisionnaires en matière de protection sexuelle. Le préservatif féminin constitue donc un levier de libération et d’émancipation par les femmes tant en termes de contraception pour éviter les grossesses non désirées, que de prévention des IST :

Il leur permet d’échapper à ce rapport de force entre femmes et hommes dans lequel les hommes prennent ou non les devants en matière de protection ;

Il constitue un puissant outil de lutte contre les nouvelles formes de violences sexuelles telles que le retrait non consenti du préservatif masculin pendant l’acte sexuel (« stealthing »).

Rapporteuses : Terpan est pionnier dans la distribution de préservatifs féminins depuis 1999. Quels obstacles avez-vous rencontrés pour démocratiser leur usage ?

A.G. : Comme évoqué, le préservatif féminin a souffert d’un manque de « publicité » dans le cadre de campagnes de prévention par rapport au préservatif masculin, sa disponibilité est également faible en comparaison dans les centres de santé sexuelle et sa présentation est très peu évoquée dans les cours d’éducation à la sexualité qui sont dispensés dans les lycées.

Il doit également faire face à de nombreuses idées reçues : « c’est difficile à mettre, ce n’est pas confortable, ça fait du bruit, il risque de tomber… ». Contrairement à ces idées, dans la pratique, il n’y a aucune difficulté à mettre en place ce préservatif.

Rapporteuses : Votre gamme So Sexy & Smile® est la seule alternative sans latex disponible gratuitement en pharmacie. Pourquoi ce choix de matériau et quels bénéfices concrets pour les utilisatrices ?

A.G. : Notre fabricant est le précurseur dans la fabrication et la commercialisation du préservatif féminin. De nombreuses études d’efficacité se sont appuyées sur ce préservatif et c’est tout naturellement que Terpan l’a choisi pour en faire la distribution.

Le préservatif So Sexy & Smile est une gaine dont l’enveloppe et l’anneau externe sont en nitrile et l’anneau interne en polyuréthane, prélubrifié, transparent et sans parfum.

De nombreuses personnes sont allergiques au latex, le nitrile est donc idéal pour ces personnes. Ce matériau est aussi plus solide que le latex diminuant ainsi le risque de rupture et il est compatible avec la plupart des lubrifiants.

Il procure encore plus de plaisir puisque l’anneau extérieur stimule le clitoris, et le nitrile conduit la chaleur des deux corps, préservant ainsi les sensations naturelles des deux partenaires.

Rapporteuses : Comment sensibiliser davantage les jeunes, et notamment les jeunes femmes, à l’existence et aux avantages du préservatif féminin ?

A.G. : C’est un gros travail d’information et de pédagogie.

D’une part, nous commercialisons depuis de nombreuses années un set de démonstration de pose du préservatif féminin à destination des centres de santé sexuelle et des établissements scolaires pour rassurer et répondre aux craintes des jeunes.

D’autre part, nous travaillons main dans la main avec de nombreuses pharmacies pour faire connaître ce préservatif. Nous proposons des supports d’information pour avertir les jeunes qui passent la porte de l’officine que ce préservatif est disponible et nous accompagnons les pharmaciens avec des fiches formations pour qu’ils puissent répondre au mieux aux questions qui leur seraient posées.

Rapporteuses : Certaines critiques évoquent un manque de confort ou de praticité. Que répondez-vous à ces réticences ?

A.G. : Comme pour la pose d’un préservatif masculin les premières fois, il faut prendre l’habitude. Il faut s’entraîner à le mettre sans avoir de rapports sexuels au préalable en trouvant une position confortable pour l’insérer comme la position allongée avec les genoux pliés. Chaque boîte de préservatifs féminins est accompagnée d’une notice avec des dessins permettant d’expliquer comment on le pose et des précautions à prendre comme pour les préservatifs masculins. L’essayer c’est l’adopter ! C’est ce que nous rapporte de nombreux témoignages d’utilisatrices qui se sentent plus autonomes, qui ressentent plus de plaisir avec leur partenaire et qui finalement lui trouvent plus d’avantages que le préservatif masculin.

Rapporteuses : Enfin, selon vous, quelle serait la prochaine grande avancée en matière de contraception et de prévention des IST ?

A.G. : La recherche et les études avancent sur la pilule contraceptive masculine. C’est une bonne nouvelle et une nouvelle avancée pour que la charge de la contraception et de la prévention sexuelle soit mieux répartie entre femmes et hommes et bien sûr, un vaccin contre le VIH serait une grande avancée pour la prévention de cette IST.

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